Etat d’urgence sanitaire : Accompagnement des établissements sociaux et médico-sociaux

Etat d'urgence sanitaire

9 avril 2020

Etat d’urgence sanitaire : les établissements sociaux et médicaux sociaux (ESMS) sont, avec les établissements de santé, en première ligne dans le cadre de l’épidémie de COVID-19 et c’est dans ce contexte que, dès le 6 mars 2020, le Ministre des Solidarités et de la Santé a déclenché le Plan bleu dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Si un certain nombre de dispositifs, à l’image du Plan bleu ci-dessus, existent d’ores et déjà dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF)[1], et dans le Code de la santé publique (CSP)[2], la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 a expressément autorisé le Gouvernement à mettre en place, par voie d’ordonnance et dans un délai de 3 mois, toute mesure relevant du domaine de la loi, « afin, face aux conséquences de l’épidémie de COVID-19, d’assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes en situation de handicap et des personnes âgées vivant à domicile ou dans un établissement ou service social et médico-social, des mineurs et majeurs protégés et des personnes en situation de pauvreté ».

C’est sur ce fondement que le Gouvernement a adopté l’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux, publiée le 26 mars 2020. Ce texte vise à assouplir « les conditions d’autorisation, de fonctionnement et de financement »[3] des ESMS afin de leur permettre de répondre au mieux aux besoins des personnes prises en charge dans le respect de leur santé et de leur sécurité.

En outre, les ESMS sont également concernés par le régime de réquisitions mis en place par le Gouvernement à travers le décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Les principales mesures prévues par ces textes concernant l’organisation et le fonctionnement des établissements (I) et le régime des réquisitions ordonnées par le Préfet (II) sont détaillées ci-après.

  1. Adaptation des règles d’organisation et de fonctionnement des ESMS

Les règles édictées par l’ordonnance n° 2020-313 précitée consistent à déroger aux conditions légales et réglementaires inscrites dans le CASF.

Ces dispositions ont pour l’essentiel un effet rétroactif et s’appliquent à compter du 12 mars 2020 jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, étant précisé que les mesures prises par les Directeurs d’établissements prendront fin, au plus tard, trois mois après cette date.

Assouplissement des règles d’organisation et de fonctionnement. En veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte épidémique actuel, les établissements visés à l’article L. 312-1 du CASF peuvent :

  • dispenser des prestations qui ne seraient pas prévues dans leur acte d’autorisation, notamment en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation ou encore en recourant à un lieu d’exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge ;
  • déroger aux qualifications de professionnels requis applicables et, le cas échéant, aux taux d’encadrement prévus par la réglementation ;
  • augmenter leur capacité d’accueil, dans la limite de 120%, afin d’accueillir ou d’accompagner des personnes qui ne relèveraient pas de leur zone d’intervention autorisée pour une prise en charge temporaire ou permanente.

Certains ESMS précisément énumérés, sont autorisés à accueillir un public plus large que d’ordinaire, notamment lorsqu’un établissement prenant en charge des personnes dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ne serait plus à même d’accueillir ces personnes dans des conditions de sécurité adéquates dans le contexte de l’épidémie de COVID-19.

Enfin, certains établissements, comme les foyers d’accueil médicalisés, peuvent, lorsqu’ils ne sont plus en capacité d’assurer des conditions de sécurité suffisantes aux personnes prises en charge, mettre en place un accompagnement à domicile des résidents handicapés, en recourant à leur personnel, à des professionnels libéraux ou à certains services mentionnés à l’article L. 312-1, qu’ils rémunèrent à cet effet.

Allégement des règles d’admission pour certaines catégories d’établissements. Pour faciliter et accélérer les adaptations urgentes, les établissements mentionnés au I et III de l’article L. 312-1 bénéficient d’un assouplissement concernant les règles d’admission.

Ainsi, les admissions qui seront prononcées dans le cadre des mesures d’adaptations pourront l’être sans avis préalable de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées visée à l’article L. 241-5 du CASF et l’accueil temporaire des personnes en situation de handicap ne sera plus limité dans le temps.

Contrôle des autorités compétentes. Si la gestion des établissements fait l’objet d’un certain assouplissement, le Gouvernement a toutefois souhaité prévenir toute dérive.

Ainsi, les décisions d’adaptations doivent être prises par le Directeur d’établissement après consultation du Président du Conseil de la vie sociale et, le cas échéant, du comité social et économique de l’établissement.

Lorsqu’il prend une telle décision, le Directeur d’établissement doit informer sans délai les autorités de contrôle et de tarification.

Ces autorités – Agences Régionales de Santé et Conseils départementaux – pourront à tout moment s’opposer à la mise en œuvre d’une décision dans l’hypothèse où celle-ci mettrait en péril la sécurité des résidents, ou dans l’hypothèse où elle ne répondrait pas aux besoins identifiés sur le territoire.

Conséquences financières pour les établissements. L’ensemble des établissements visés à l’article L. 312-1 du CASF sont assurés de ne pas voir une baisse de leur niveau de financement en cas de réduction de l’activité ou de fermeture temporaire qui résulterait de l’épidémie de COVID-19.

Pour la partie hors dotation et forfait global, la facturation sera ainsi établie mensuellement sur la base de l’activité prévisionnelle de l’établissement, sans tenir compte de la sous-activité ou de potentielles fermetures temporaires.

Dispositions procédurales. Enfin, le texte prévoit une modification applicable aux procédures administratives, budgétaires et comptables[4] qui expiraient à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Pour ces procédures, les délais sont prorogés de 4 mois supplémentaires, ce qui devrait permettre aux établissements concernés d’être pleinement mobilisés pour l’accueil et l’accompagnement des personnes.

2. Régime de réquisitions au sein du système sanitaire

Le décret du 26 mars 2020 instaure un régime de réquisitions au sein du système de santé.

Ainsi, le texte permet au Préfet territorialement compétent, « si l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie », d’ordonner la réquisition nécessaire de tout établissement de santé ou établissement médico-social ainsi que de tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de ces établissements.

Ce texte vise les établissements médico-sociaux qui sont ainsi susceptibles de voir tout ou partie de leur matériel et de leur service réquisitionné pour les besoins d’un autre établissement ou à l’inverse de voir des professionnels de santé ou du matériel extérieur être réquisitionné pour leur propre fonctionnement.

Ces dispositions insérées à l’article 12.1 du décret du 23 mars 2020 ont récemment été précisées par arrêté du Ministère des Solidarités et de la Santé publié au Journal officiel le 29 mars[5] et relatif à l’indemnisation des professionnels de santé réquisitionnés dans le cadre de l’épidémie.

Sont ainsi visés par l’arrêté :

  • les médecins libéraux, remplaçants, retraités, sans activité professionnelle, salariés des centres de santé, de l’éducation nationale, des services de PMI et autres services de santé dépendant des départements et des communes, les médecins-conseils de l’Assurance Maladie et autres médecins exerçant en administration publique notamment les médecins inspecteurs de santé publique ;
  • les infirmiers libéraux, remplaçants, retraités, sans activité professionnelle, salariés des centres de santé, de l’éducation nationale, des services de PMI et autres services de santé dépendant des départements et des communes, les infirmiers du service médical de l’Assurance Maladie ainsi que les infirmiers exerçant dans les administrations publiques ;
  • les étudiants du troisième cycle des études de médecine, pharmacie et odontologie, les étudiants ayant validé la deuxième année du deuxième cycle des études de médecine ainsi que les étudiants des autres professions de santé.

Le texte précise que ces professionnels de santé sont assimilés lorsqu’ils agissent dans le cadre d’une réquisition « aux personnes qui contribuent de façon occasionnelle à l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif ».

Enfin, les indemnisations définies par l’arrêté ainsi que les frais de déplacement et d’hébergement seront versées par la CPAM du département duquel relève le Préfet ayant émis l’ordre de réquisition.

[1] Voir notamment, Article D. 312-160 et suivants du Code de l’action sociale et des familles – Décret n°2005-768 du 7 juillet 2005 relatif aux conditions techniques minimales de fonctionnement des établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles – Arrêté du 7 juillet 2005 fixant le cahier des charges du plan d’organisation à mettre en œuvre en cas de crise sanitaire ou climatique et les conditions d’installation d’un système fixe de rafraîchissement de l’air dans les établissements mentionnés au I de l’article L. 313-12 du code de l’action sociale et des familles (NOR : SANA0522349A).

[2] Voir notamment le Titre III du Livre Ier de la Troisième Partie du code de la santé publique (Art. L. 3131-1 et suivants).

[3] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux.

[4] Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble des procédures visées aux chapitres III, IV et V du Titre 1er du Livre III du CASF à savoir, les dispositions relatives aux droits et obligations des ESMS (Autorisation et agrément, CPOM etc…), les dispositions financières et les dispositions spécifiques aux établissements relevant de personnes morales de droit public.

[5] Arrêté du 28 mars 2020 portant diverses dispositions relatives à l’indemnisation des professionnels de santé en exercice, retraités ou en cours de formation réquisitionnés dans le cadre de l’épidémie covid-19 (NOR: SSAZ2008730A).