Par une décision datée du 12 mai 2021 (Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 12 Mai 2021 – n° 20-21.109), la Cour de cassation a renvoyé au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité qui concerne les modalités de calcul des droits de donation portant sur les dons manuels révélés à l’administration fiscale prévues par les dispositions de l’article 757 du Code Général des Impôts (« CGI »).
Rappelons que les dons manuels sont les donations qui ne sont pas constatées par un acte authentique mais réalisées par la simple remise des biens au donataire.
A la différence des donations notariées, les dons manuels ne sont pas taxables en eux-mêmes. Ils sont en effet soumis aux droits de donation non à la date où ils sont consentis mais par application des dispositions de l’article 757 du CGI lorsqu’ils sont révélés ou déclarés à l’administration fiscale par le donataire ou lorsqu’ils font l’objet d’une reconnaissance judiciaire.
Dans ces hypothèses, les droits de mutation sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement, ou sur la valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure. Le tarif des droits et les abattements sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du don manuel.
Notons qu’en application des dispositions de l’article 784 du CGI, les dons manuels sont également susceptibles d’être imposés lorsqu’ils font l’objet d’un rappel fiscal selon des règles d’assiette et de liquidation spécifiques, qui ne sont pas en débat au cas présent.
Les faits à l’origine du litige illustrent les difficultés qui peuvent se poser dans le cadre de la taxation des dons manuels lorsque les biens objet de la transmission ont sensiblement pris de la valeur.
En l’occurrence, le contribuable a bénéficié de donations de deux tableaux, l’une en 1994 puis l’autre en 2000 d’un artiste dont la cotation a par la suite fortement augmenté. A l’occasion de la cession en 2013 des deux œuvres en question, il a déposé des déclarations d’option pour le régime de taxation des plus-values. L’administration fiscale l’a alors mis en demeure de souscrire des déclarations de dons manuels, qu’il a déposées en mentionnant une valeur de donation minime. Les services fiscaux ont mis en recouvrement des droits de donation assis sur la valeur des tableaux en 2013.
C’est dans le cadre de la contestation qui s’en est suivie que le contribuable a déposé une question prioritaire de constitutionnalité. Il défend que la fixation de l’assiette des droits sur la valeur des biens au jour de la révélation, si elle est supérieure à la valeur à la date du don, porte atteinte aux principes constitutionnels d’égalité devant les charges publiques et d’égalité devant la loi.
La Cour de cassation a jugé que la question présentait un caractère sérieux et l’a renvoyée au Conseil constitutionnel.
Ce dernier doit se prononcer dans un délai de trois mois à compter de sa saisine, ce qu’il fait en moyenne dans les 76 jours. La transmission de la QPC étant intervenue le 12 mai 2021, le Conseil devra donc rendre sa décision avant le 12 août prochain.
La problématique est inédite et mérite d’être mise en débat. La prise en compte d’une base imposable potentiellement décorrélée de la valeur d’entrée dans le patrimoine pourrait faire porter une charge fiscale globale excessive voire confiscatoire au regard des facultés du contribuable à la date de la révélation.
Les bénéficiaires de dons manuels non encore révélés à l’administration fiscale suivront donc avec attention la décision du Conseil constitutionnel.
S’agissant des dons manuels qui ont fait l’objet d’une révélation, déclaration ou reconnaissance judiciaire, des réclamations pourraient être envisagées si les contribuables sont encore dans les délais pour les formuler.
Seraient ainsi concernés les dons manuels pour lesquels des droits ont été versés en 2019, 2020 et 2021.
Afin de préserver les droits des personnes concernées, il pourrait être conseillé de déposer une réclamation à titre conservatoire avant la décision définitive du Conseil constitutionnel dans l’hypothèse où la Haute juridiction constitutionnelle reconnaîtrait l’existence d’une rupture d’égalité.
Le Conseil constitutionnel pouvant limiter les effets de sa décision aux instances en cours à la date de publication de sa décision, la portée de celle-ci serait alors limitée aux contribuables ayant déjà formé une réclamation.