Promesses unilatérales de vente : « faites du neuf avec du vieux »

7 septembre 2021

Pour les promesses unilatérales de vente conclues avant le 1er octobre 2016, la rétractation du promettant est maintenant inefficace, sauf stipulation contraire. A la suite de ce revirement, l’exécution forcée des promesses unilatérales, lorsqu’elle est possible, est désormais assurée et unifiée.

Pour consulter l’arrêt : Cass. civ. 3e, 23 juin. 2021, n° 20-17.554, publié au Bulletin

Par cet arrêt en date du 23 juin 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a mis fin à sa si décriée jurisprudence Cruz du 15 décembre 1993 (Cass. civ. 3ème, 15 déc. 1993, n° 91-10199). Cet inattendu revirement constitue l’épilogue d’une (trop) longue saga jurisprudentielle qui a suscité de nombreuses critiques.  

L’arrêt traite des promesses unilatérales de vente. Toutefois on peut imaginer qu’il a vocation à s’appliquer à l’ensemble des promesses unilatérales. On ne voit guère ce qui pourrait justifier une analyse contraire. Pour rappel, la promesse unilatérale de vente est définie à l’article 1124 du Code civil comme « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». En pratique, la définition de cet avant-contrat ne pose pas de problème contrairement à la sanction de son irrespect.

Une position claire pour les promesses conclues à compter du 1er octobre 2016

La question est nettement tranchée par l’alinéa 2 de ce même article 1124 qui énonce que « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». Une exécution forcée de la promesse peut donc être prononcée en justice lorsque le promettant entend revenir sur son engagement qui est réputé définitif dès la conclusion de la promesse. L’alinéa 3 du texte ajoute par ailleurs que « le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». La promesse a donc une véritable valeur qui la distingue ainsi de l’offre de contracter. Le législateur impose le respect de la parole donnée par le promettant dans le cadre de son engagement contractuel. Cette solution logique n’était pourtant pas celle retenue avant la réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 10 février 2016.

L’ancienne position controversée

Depuis l’arrêt Cruz précité et comme le rappelle l’arrêt rendu en date du 6 décembre 2018 (Cass. civ. 3ème, 6 déc. 2018, n°17-21.170 et 17-21.171) dans la même affaire que celui du 23 juin 2021, la réalisation forcée de la vente était refusée en cas de rétractation du promettant pendant le délai d’option laissé au bénéficiaire. Pour les hauts magistrats, la levée d’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir. Il n’était donc pas question d’appliquer, par anticipation, la solution énoncée par le nouvel article 1124 alinéa 2 du Code civil. L’irrespect de la promesse pouvait donc uniquement donner lieu à des dommages et intérêts parfois illusoires. Cette analyse encourageait le promettant à ne pas respecter son contrat et surtout mettait à mal des opérations plus globales. Par exemple, en droit des sociétés, la promesse unilatérale de contrat, notamment de cession de titres, ne constitue le plus souvent qu’une clause d’un pacte d’associés. Aussi, ne pas garantir son entière efficacité revient à porter préjudice à l’ensemble du pacte, à une opération plus globale comme un LBO et parfois à la société elle-même et à ses parties prenantes. L’analyse jurisprudentielle paraissait intenable et on pouvait espérer que la réforme de 2016 vienne provoquer un revirement de jurisprudence. Jusqu’à cette tardive décision rendue à l’orée de l’été 2021, les juges s’y étaient pourtant refusés…

Le revirement pour les promesses unilatérales de vente conclues antérieurement au 1er octobre 2016

Pour les promesses unilatérales de vente conclues avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, soit avant le 1er octobre 2016, la rétractation du promettant pendant le délai d’option est désormais enfin inefficace à la suite de la décision du 23 juin 2021. Aux termes de l’arrêt : « il convient dès lors d’apprécier différemment la portée juridique de l’engagement du promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente et de retenir qu’il s’oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l’avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire ».

Ce revirement heureux permet d’unifier l’analyse du sort de l’irrespect de son engagement par le promettant quelle que soit la date de conclusion de la promesse unilatérale de vente (et espérons de la promesse unilatérale tout court). Il permet de « faire du neuf avec du vieux » puisque, sans le dire expressément, la solution issue de la réforme de 2016 s’applique désormais aux promesses conclues avant cette date. Toutefois cette volteface prétorienne apparaît bien tardive tant le nombre de promesses unilatérales conclues avant le 1er octobre 2016 et toujours en vigueur apparaît réduit.

Quid de vos futures promesses unilatérales ?

Enfin, cette solution traitant de situations passées invite également à se pencher sur le présent et le futur. En filigrane, la solution retenue éclaire le régime juridique des promesses unilatérales conclues à compter du 1er octobre 2016. En effet, l’arrêt prévoit une exception au principe d’irrévocabilité de l’engagement du promettant : la possibilité d’une stipulation contraire. A l’aune du droit antérieur à la réforme, cette précision paraît peu utile. A contrario, elle conforte la licéité des stipulations inverses, à savoir les clauses d’exécution forcée en nature. En droit positif, cette précision laisse entendre que l’article 1124 alinéa 2 du Code civil n’est pas d’ordre public. Les droits ancien et nouveau étant désormais alignés, si le premier peut être aménagé en écartant l’exécution en nature, il devrait alors en être de même du second !

Aussi, pensez donc à bien aménager vos futures promesses unilatérales selon vos objectifs et intérêts.

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