Pacte Dutreil : l’activité éligible doit être exercée jusqu’au terme des engagements de conservation
En application des dispositions de l’article 787 B du CGI (dispositif « Dutreil »), les transmissions par décès ou donations de parts ou actions de certaines sociétés sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois quarts de leur valeur.
Le bénéfice de cette exonération est soumis, entre autres conditions, à un engagement collectif de conservation des titres d’une durée de deux ans, suivi d’un engagement individuel de conservation d’une durée de quatre ans.
Les sociétés dont les titres font l’objet de ces engagements de conservation doivent par ailleurs exercer une activité éligible c’est-à-dire une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou encore exercer de manière prépondérante une activité d’animation de leurs filiales opérationnelles.
Il résulte des commentaires administratifs que la condition d’exercice d’une activité éligible doit être remplie par la société jusqu’au terme des engagements collectif et individuel de conservation.
Contrairement à la position de l’administration fiscale, la Cour de cassation dans une décision rendue le 25 mai 2022 a considéré que la loi n’exige pas que la condition d’exercice d’une activité éligible soit respectée jusqu’au terme des engagements collectif et individuel de conservation. Ainsi, selon la cour, l’exonération partielle ne peut être remise en cause en cas de cessation de l’activité éligible postérieurement à la transmission. (Cass com 25-05/2022 n°19-25.513)
La mesure adoptée par le législateur dans le cadre de la loi de finance rectificative pour 2022 (article 8) invalide la position de la Cour de cassation.
En effet, aux termes de cette mesure codifiée à l’article 787 B c bis du CGI, la condition d’exercice d’une activité éligible doit être respectée par la société à compter de la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.
Les dispositions de l’article 787 B, c bis du CGI s’appliquent aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022 (date de dépôt de l’amendement à l’origine de la mesure).
Ces dispositions s’appliquent également, de manière rétroactive, aux transmissions intervenues avant cette date lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- L’un des engagements de conservation (collectif, unilatéral ou individuel) est en cours ;
- La société exploitante n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Le dispositif d’amortissement des fonds commerciaux est aménagé
En principe, l’amortissement d’un fonds commercial n’est pas déductible pour la détermination du résultat fiscal.
Toutefois, afin d’encourager la reprise des entreprises pour la période post covid-19, l’article 23 de la loi de finances pour 2022 autorise les entreprises à déduire de leur résultat fiscal l’amortissement constaté en comptabilité s’agissant des fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 (mesure codifiée à l’article 39, 1-2° du CGI).
La mesure adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022 limite l’application de la faculté de déduction fiscale des annuités d’amortissement par une règle anti-abus d’une part, et précise les modalités d’application de cette faculté d’amortissement lorsque le fonds commercial est reçu dans le cadre d’une opération de fusion ou d’apport partiel d’actif placé sous le régime spécial de l’article 210 A d’autre part.
Mesure anti-abus : aux termes de l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2022, la faculté de déduction fiscale des annuités d’amortissement constatées en comptabilité ne s’applique pas en présence de liens entre l’acquéreur et le cédant.
Ainsi, en cas d’acquisition d’un fonds commercial auprès d’une entreprise liée au sens de l’article 39, 12 du CGI entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, les annuités d’amortissement du fonds commercial constatées en comptabilité ne peuvent être déduites du résultat fiscal ; il en est ainsi également du cas où le fonds est acquis auprès d’une entreprise, y compris individuelle, qui est placée sous le contrôle de la même personne physique que l’entreprise qui acquiert le fonds au sens de l’article 39, 12-a du CGI.
Cette mesure vise notamment à faire obstacle à l’application du régime de faveur lorsqu’une personne physique apporte son entreprise individuelle ou une branche complète d’activité à une société qu’elle contrôle.
Précision des modalités d’application dans le cadre d’une opération de restructuration : l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2022 confirme les précisions de l’administration fiscale concernant les opérations de fusion ou d’apport partiel d’actif placé sous le régime de spécial de l’article 210 A du CGI.
La mesure confirme que la société absorbante ou bénéficiaire des apports a le choix de déduire de son résultat imposable l’amortissement constaté en comptabilité sur le fonds commercial reçu ou de renoncer à cette déduction :
- En cas de déduction, le fonds commercial reçu obéit au régime fiscal des biens amortissables prévu à l’article 210 A, 3-d du CGI ;
- En revanche, lorsque la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport renonce à cette déduction, le fonds commercial obéit au régime fiscal des biens non amortissables prévu à l’article 210 A, 3-c du CGI
Les dispositions de l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2022 s’appliquent aux acquisitions de fonds commerciaux intervenues à compter du 18 juillet 2022.
Par Pauline Fourmaux et Gilbert Bokovi