Le décret du 22 mai 2020, entré en vigueur le 25 mai 2020, traite de l’exonération de droits d’enregistrement dans le cadre du régime simplifié des fusions, scissions et apports partiels d’actif.
La Loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés a été l’occasion de modifier le régime simplifié des fusions, scissions et apports partiels d’actif. Après avoir rappelé l’essentiel de ces modifications en droit des sociétés (I), les conséquences fiscales de cette réforme seront soulignées (II).
I. Les extensions tirées de la loi de simplification du droit des sociétés
Un régime simplifié certes, mais comment ? l’approbation des associés des sociétés absorbante et absorbée n’est pas requise (sauf demande en ce sens d’un ou plusieurs associés de la société absorbante représentant au moins 5 % du capital), de même que l’établissement du rapport des dirigeants et l’intervention des commissaires à la fusion et aux apports.
A. Fusion simplifiée entre des sociétés civiles
Un article 1854-1 a été inséré dans le Code civil :
« En cas de fusion de sociétés civiles, si les statuts prévoient la consultation des associés de la société absorbante, cette consultation n’est pas requise lorsque, depuis le dépôt du projet de fusion et jusqu’à la réalisation de l’opération, la société absorbante détient au moins 90 % des parts de la société absorbée.
Toutefois, un ou plusieurs associés de la société absorbante réunissant au moins 5 % du capital social peuvent demander en justice la désignation d’un mandataire aux fins de provoquer la consultation des associés de la société absorbante pour qu’ils se prononcent sur l’approbation de la fusion ».
Il s’agit donc de la création d’un nouveau régime simplifié pour calquer celui prévu à l’article L. 236-11 du Code de commerce. Désormais, la consultation des associés de l’absorbante n’est donc plus toujours obligatoire lors d’une fusion entre des sociétés civiles.
B. Fusion simplifiée entre des sociétés sœurs
Le régime simplifié est étendu aux fusions entre des sociétés sœurs.
Ainsi, une hypothèse est ajoutée à l’article L. 236-11 C. com. : « ou qu’une même société détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société absorbante et des sociétés absorbées ».
Cette retouche est complétée par une réécriture de l’article L. 236-3 C. com. (applicable à toutes les sociétés commerciales), visant à préciser que l’opération ne donne pas lieu à échange de titres.
L’article L. 236-11-1 C. com. est lui aussi modifié avec l’ajout suivant « qu’une même société détient en permanence au moins 90 % des droits de vote de la société absorbante et des sociétés absorbées ».
C. Les apports partiels d’actif simplifiés
La loi de simplification de juillet 2019 est aussi venue reconnaître la possibilité de bénéficier du régime simplifié pour réaliser un apport partiel d’actif soumis au régime des scissions.
La réalisation de l’opération n’aura pas à être approuvée par l’assemblée générale extraordinaire des sociétés participant à l’opération, sauf là encore, demande d’un ou plusieurs associés de la société apporteuse réunissant au moins 5 % du capital social. Les rapports visés plus hauts ne sont également plus obligatoires.
Art. L. 236-22 C. com. modifié. Al. 2. : « Lorsque, depuis le dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet d’apport et jusqu’à la réalisation de l’opération, la société qui apporte une partie de son actif détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société bénéficiaire de l’apport ou que la société bénéficiaire de l’apport détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital de la société qui apporte une partie de son actif, il n’y a lieu ni à approbation de l’opération par l’assemblée générale extraordinaire des sociétés participant à l’opération ni à l’établissement des rapports mentionnés au quatrième alinéa du I de l’article L. 236-9 et à l’article L. 236-10 ».
II. Une fiscalité adaptée
C’est l’article 44 de la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020 qui a harmonisé le droit fiscal des restructurations avec le droit des sociétés, en tirant les conséquences, au plan fiscal, des aménagements apportés par la loi Soilihi en matière de fusions et de scissions sans échange de titres, à plusieurs niveaux.
A. Régime de faveur
L’éligibilité au régime fiscal de faveur conditionne souvent la faisabilité économique d’une opération. C’est pourquoi la loi de finances pour 2020 a étendu aux fusions réalisées entre sociétés sœurs détenues par la même mère et aux scissions impliquant une société scindée et des sociétés bénéficiaires toutes filiales à 100 % d’une même société mère le régime de faveur des fusions de l’article 210-0 A du CGI.
En matière de droits d’enregistrement, le très récent décret n° 2020-623 du 22 mai 2020 a complété l’article 301 F de l’annexe II au CGI pour préciser que l’attribution de droits représentatifs de la société bénéficiaire n’est pas une condition d’application de l’exonération de droits d’enregistrement des fusions, scissions et apports partiels d’actifs intervenant entre sociétés sœurs.
B. Bénéfice imposable
Un second alinéa est venu compléter la définition du bénéfice net de l’article 38, 2 du CGI pour prévoir que les sommes incorporées aux capitaux propres à l’occasion d’une fusion ou scission sans échange de titres viennent diminuer le bénéfice net.
C. Apports
La loi de finances a aménagé le régime de l’article 112 du CGI pour prévoir expressément que les sommes incorporées aux capitaux propres à l’occasion d’une fusion ou scission sans échange de titres ne constituent pas des apports et sont pas considérées comme des revenus distribués.
D. Plus-values et moins-values à long terme
Un régime spécifique est réservé aux plus et moins-values résultant de la cession des titres de la société issue d’une opération de fusion ou de scission (art. 39 duodecies, 12 nouveau du CGI) :
Lorsque la plus ou moins-value relève du régime long terme, mais que les titres de la société absorbée ou scindée ont été acquis depuis moins de deux ans à la date de la cession, la plus ou moins-value correspondant à la quote-part de valeur de ces titres ajoutée à celle des titres de la société bénéficiaire des apports réalisés lors de l’opération de fusion ou de scission, est calculée distinctement. La plus ou moins-value ainsi calculée est considérée comme une plus ou moins-value à court terme.
Lorsque la plus ou moins-value relève du régime court terme, mais que les titres de la société absorbée ou scindée ont été acquis depuis plus de deux ans à la date de la cession, la plus ou moins-value correspondant à la quote-part de valeur de ces titres ajoutée à celle des titres de la société bénéficiaire des apports réalisés lors de l’opération de fusion ou de scission est calculée distinctement. La plus ou moins-value ainsi calculée est considérée comme une plus ou moins-value à long terme.
La quote-part de valeur des titres de la société absorbée ou scindée (art. 39 duodecies, 12, al. 4 du CGI) est égale à la différence entre :
- la fraction du prix de cession des titres après application du rapport entre la valeur vénale des titres de la société absorbée ou scindée et la somme de cette même valeur et de la valeur vénale des titres de la société absorbante ou bénéficiaire au jour de la fusion ou de la scission ;
- le prix de revient des titres de la société absorbée ou scindée.
E. Régime des sociétés mères et filiales
Le régime des sociétés mères et filiales a été adapté pour s’accommoder de la dispense d’échanges des titres dans les fusions entre sociétés sœurs (art. 145, 1, c nouveau du CGI).
Le délai de détention des titres s’apprécie depuis la date de leur acquisition par la société absorbée jusqu’à la date de la cession des titres de la société absorbante.
Si la cession des titres intervient moins de deux ans après la restructuration, s’opère une ventilation doit être opérée entre les titres de la société absorbée et ceux de la société absorbante. Ainsi, la cession est réputée porter sur les titres de la société absorbée à hauteur du produit du nombre de titres cédés par un rapport entre :
- la valeur vénale des titres en question ;
- et la somme de la valeur vénale des titres de la société absorbée et de la valeur vénale des titres de la société absorbante au jour de la fusion.
La cession est réputée porter sur les titres de la société absorbante à hauteur du reliquat des titres.