Instauré par la loi PACTE, le fonds de pérennité a fait l’objet d’un décret du 7 mai 2020 précisant les mesures propres à sa création, son fonctionnement et sa dissolution. Vous retrouverez ci-dessous une présentation détaillée de ce nouvel instrument juridique de détention d’une entreprise.
Consulter le Décret n° 2020-537 du 7 mai 2020 relatif aux fonds de pérennité
Consulter l’article 177 de la Loi PACTE.
Innovation introduite en droit français par la loi PACTE du 22 mai 2019, le fonds de pérennité est un outil de transmission et de détention d’entreprise qui conjugue préservation de celle-ci sur le long terme et mission d’intérêt général. Il peut être créé du vivant ou lors du décès d’un ou plusieurs fondateurs.
Qu’est-ce qu’un fonds de pérennité ?
Comme son nom l’indique, le fonds vise avant tout à assurer la continuité d’une ou plusieurs entreprises qu’il va détenir ou, à minima, contrôler. Innovation législative inspirée par les modèles scandinaves de fondations d’actionnaires, le fonds garantit donc la pérennité des entreprises, notamment celles confrontées à des problématiques de transmission.
Doté de la personnalité morale, le fonds de pérennité est constitué par l’apport gratuit et irrévocable, effectué par un ou plusieurs fondateurs, des titres d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou détenant directement ou indirectement des participations dans une ou plusieurs sociétés exerçant une telle activité. Les titres transmis par les fondateurs au fonds deviennent alors inaliénables. Cependant, peuvent échapper à l’inaliénabilité les titres ou parts d’une société correspondant à la fraction du capital social non nécessaire à l’exercice par le fonds du contrôle sur la société. De même, le fonds peut être judiciairement autorisé à disposer des titres ou parts frappés d’inaliénabilité s’il advient que la pérennité économique de la ou des sociétés l’exige.
Par l’intermédiaire de son conseil d’administration composé d’au moins 3 membres, le fonds gère ses titres, exerce les droits qui y sont attachés et utilise ses propres ressources dans le but de contribuer à la pérennité des entreprises contrôlées et de réaliser ou financer des œuvres ou des missions d’intérêt général.
Il s’agit d’un véritable sujet de droit qui devient l’associé « inamovible » d’une ou plusieurs sociétés dans une optique qui n’est pas exclusivement philanthropique et qui demeure avant tout économique.
Les statuts du fonds
Des statuts écrits doivent être établis avec soin puisqu’ils vont, comme dans une société, fixer les grandes règles de fonctionnement du fonds. Ils déterminent notamment la dénomination, l’objet, le siège et les modalités de fonctionnement du fonds de pérennité ainsi que la composition, les conditions de nomination et de renouvellement du conseil d’administration et du comité de gestion.
Le comité de gestion est composé d’au moins un membre du conseil d’administration et de deux membres non membres de ce conseil. Ce comité est chargé du suivi permanent de la ou des sociétés détenues ou contrôlées. Il formule des recommandations au conseil d’administration portant sur la gestion financière de la dotation, sur l’exercice des droits attachés aux titres ou parts détenus ainsi que sur les actions, et les besoins financiers associés, permettant de contribuer à la pérennité économique de ces sociétés. Le comité peut également proposer des études et des expertises.
Les annexes aux statuts mentionnent les titres ou parts inaliénables apportés au fonds ainsi que le pourcentage de capital et de droits de vote qu’ils représentent.
L’objet du fonds comprend l’indication des principes et objectifs appliqués à la gestion des titres ou parts de la ou des sociétés apportés, à l’exercice des droits qui y sont attachés et à l’utilisation des ressources du fonds, ainsi que l’indication des actions envisagées dans ce cadre. Il comprend également, le cas échéant, l’indication des œuvres ou des missions d’intérêt général qu’il entend réaliser ou financer. Les actes réalisés par le conseil d’administration en dehors de cet objet sont nuls, sans que cette nullité ne soit opposable aux tiers de bonne foi.
Les statuts doivent également définir les modalités selon lesquelles ils peuvent être modifiés. Toutefois, la modification de l’objet ne peut être décidée qu’après deux délibérations du conseil d’administration, réunissant au moins les deux tiers des membres, prises à deux mois au moins et six mois au plus d’intervalle et à la majorité des deux tiers des membres. Pour le calcul du quorum, ne sont pas pris en compte les membres représentés.
Formalités de publicité
Différentes formalités doivent être accomplies :
- Une déclaration de création du fonds de pérennité doit être effectuée auprès de la préfecture du département dans le ressort duquel le fonds de pérennité a son siège. Elle est accompagnée d’un dépôt des statuts et de leurs éventuelles annexes. Les modifications des statuts ou de leurs annexes doivent être également communiquées à la préfecture par le fonds dans un délai de 3 mois.
- Les fondateurs du fonds doivent faire publier à leurs frais la déclaration de création du fonds au Journal officiel. C’est cette publicité qui confère la personnalité morale au fonds. Le conseil d’administration du fonds doit quant à lui faire publier au frais du fonds les modifications statutaires au Journal officiel.
- Le fonds doit faire publier ses statuts et leurs annexes sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative
Comptabilité du fonds de pérennité
Chaque année, le fonds établit des comptes qui comprennent au moins un bilan et un compte de résultat. Ces comptes sont publiés sur le site internet de la DILA dans un délai de six mois suivant la clôture de l’exercice.
Dès lors que les ressources du fonds dépassent, à la clôture du dernier exercice, le montant de 10.000 euros, un commissaire aux comptes doit être désigné. Il est chargé de certifier les comptes annuels et de vérifier leur concordance avec le rapport d’activité. Tant ce rapport que les comptes doivent lui être transmis 45 jours avant la date de réunion du conseil d’administration chargé de les approuver. Enfin, le commissaire au compte dispose d’un droit d’alerte du conseil d’administration en 3 phases lorsqu’il relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’activité du fonds, notamment des dysfonctionnements graves.
Contrôle administratif du fonctionnement du fonds
Un rapport annuel d’activité doit être approuvé par le conseil d’administration. Les textes précisent qu’il doit être établi par le fonds sans désigner expressément par qui. Il doit contenir, pour la période à laquelle il se rapporte, les éléments suivants :
– un compte-rendu de l’activité du fonds de pérennité qui porte sur son fonctionnement interne et sur ses rapports avec les tiers ;
– un compte-rendu relatif à sa façon de gérer les titres ou les parts qui composent sa dotation, d’exercer les droits de vote et les autres droits qui y sont attachés et d’utiliser ses ressources ;
– le cas échéant, la liste des œuvres ou missions d’intérêt général que le fond a réalisées ou financées, le montant de ces réalisations ou financements ainsi que la liste des personnes bénéficiaires.
Lorsque le rapport d’activité n’a pas été notifié à la préfecture dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice, ou lorsqu’il est incomplet, l’autorité administrative peut mettre en demeure le fonds de se conformer à ses obligations dans un délai d’un mois.
Outre ce rapport d’activité, les comptes annuels et, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes doivent être adressés à la préfecture par LRAR dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice. La préfecture les transmet ensuite, dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle elle les a reçus, à l’autorité administrative.
En effet, une mission du Contrôle général économique et financier désignée par arrêté du ministre de l’économie et des finances vérifie la régularité du fonctionnement du fonds de pérennité. A cette fin, elle peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles. Si elle constate ou est informée d’un dysfonctionnement grave affectant la réalisation de l’objet du fonds de pérennité, elle met en demeure le fonds de pérennité d’y remédier dans un délai de six mois. Cette notion de dysfonctionnement grave a été précisée par le Décret du 7 mai 2020, il s’agit :
- du fait, pour le fonds de pérennité, de disposer ou de consommer tout ou partie de sa dotation en violation des dispositions légales et statutaires, ou de disposer de ses ressources en violation de son objet statutaire ;
- du fait de ne pas respecter les règles relatives à la mission du commissaire aux comptes ainsi qu’à l’établissement et à la publicité des comptes ;
- du fait de ne pas avoir adressé les rapports d’activité à la préfecture durant deux exercices consécutif en dépit des mises en demeure formulée par l’autorité administrative.
Si la mise en demeure n’est pas suivie d’effet, l’autorité administrative peut demander la dissolution judiciaire du fonds de pérennité.
Dissolution du fonds de pérennité
La dissolution du fonds peut être prononcée dans plusieurs hypothèses.
Il peut d’abord s’agir d’une dissolution en vertu des dispositions statutaires.
Il peut ensuite s’agir d’une dissolution judiciaire à la demande de l’autorité administrative de contrôle. A la suite d’une mise en demeure de remédier à un dysfonctionnement grave non suivie d’effet, l’autorité administrative notifie sa décision au conseil d’administration, au commissaire aux comptes du fonds de pérennité et au préfet. Aux frais du fonds, elle procède également à la publication de sa décision motivée au Journal officiel de la République française. En revanche, cette saisine administrative ne lie pas l’autorité judiciaire qui reste libre de prononcer ou non la dissolution.
Quelle qu’en soit la cause, la dissolution du fonds de pérennité fait l’objet d’une publication au Journal officiel, aux frais du fonds. En cas de dissolution statutaire, cette publication incombe au conseil d’administration du fonds. En cas de dissolution judiciaire, elle incombe au liquidateur désigné en justice. La dissolution du fonds entraîne alors sa liquidation dans les conditions prévues par ses statuts ou, à défaut, à l’initiative du liquidateur désigné judiciairement.
A l’issue des opérations de liquidation, l’actif net du fonds est transféré à un bénéficiaire désigné par les statuts, à un autre fonds de pérennité, une fondation reconnue d’utilité publique ou un fonds de dotation.
Quelle fiscalité au moment de la création du fonds ?
La neutralité fiscale gouverne les opérations de constitution du fonds de pérennité.
Dans cette optique, l’article 14 de la loi de finances pour 2020 a inséré un 7 quater à l’article 38 du CGI, aux termes duquel « la plus ou moins-value résultant de la transmission à titre gratuit et irrévocable de titres de capital ou de parts sociales à un fonds de pérennité (…) lors de sa constitution est comprise dans le résultat de l’exercice au cours duquel ces titres ou parts sont ultérieurement cédés par le fonds bénéficiaire de cette transmission si celui-ci a pris l’engagement de calculer la plus ou moins-value d’après la valeur que ces titres ou parts avaient, du point de vue fiscal, à la date de la transmission ».
La transmission par une entreprise de titres ou parts sociales au moment de la constitution d’un fonds de pérennité est traitée comme une opération intercalaire : la plus ou moins-value constatée lors de cette transmission est placée en sursis d’imposition jusqu’à la cession par le fonds des titres reçus.
Cependant, comme les titres transmis sont inscrits dans les comptes du fonds de pérennité pour leur valeur vénale au jour de la transmission, celui-ci doit assurer un suivi extra-comptable de leur valeur d’origine, c’est-à-dire de la valeur fiscale qu’ils avaient dans les écritures de l’entreprise qui les a transmis.
Par ailleurs, la loi PACTE a prévu que la transmission de titres à un fonds de pérennité permet de bénéficier du régime du pacte Dutreil (art. 787 B du CGI) et de réduire les droits d’enregistrement dus à l’occasion de la transmission d’une société par voie de donation ou succession.