Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 : Transmission universelle de patrimoine en période de crise sanitaire

Ordonnance n° 2020-427

23 avril 2020

Retour sur les précisions apportées par l’administration le 14 avril 2020 quant aux effets d’une transmission universelle de patrimoine réalisée pendant la période de crise sanitaire.

La transmission universelle de patrimoine (TUP) est une opération qui permet de procéder à la dissolution d’une personne morale sans procéder à sa liquidation. En application de l’article 1844-5 du Code civil, elle entraîne un transfert des actifs et des passifs de la société dissoute à son associé unique. Cette opération est souvent utilisée au sein des groupes de sociétés et sa simplicité mise en avant. Mais, dans un but protecteur, la loi accorde aux créanciers de la société vouée à disparaître un droit d’opposition qui doit être exercé, sous la forme d’une action en justice, dans un délai de 30 jours à compter de la publication de l’opération. L’exercice de ce droit par un créancier antérieur de la société dissoute ne fait pas obstacle à l’opération, mais il permet d’obtenir le remboursement de la créance ou la constitution de garanties.

L’exercice de ce droit d’opposition et la réalisation d’une TUP en période de crise sanitaire ont soulevé différentes interrogations qu’une note de la Direction des affaires civiles et du sceau en date du 14 avril 2020 a levées. (A consulter ici).

En effet, le gouvernement a adopté de nombreuses mesures pour adapter nos règles de droit au contexte de crise sanitaire lié à l’épidémie de Covid-19 parmi lesquelles l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. Ce texte, lui-même modifié par l’Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, réglemente la question des délais qui pourraient débuter, courir ou se terminer pendant la période de crise sanitaire. (Pour une étude complète de ces mesures vous pouvez consulter ici notre article de synthèse au point n° 6 et 7).

Comment dès lors concilier l’application de ces mesures spéciales avec la réalisation d’une TUP ?

I. Droit d’opposition des créanciers

Sous peine de forclusion, les créanciers disposent d’un délai de 30 jours pour s’opposer à la TUP. Il s’agit d’un délai légal qui commence à courir à compter de la publication de l’opération.

Ce délai n’est pas visé par une disposition spéciale de l’ordonnance et c’est donc son article 2 qui lui est applicable.

Cette disposition permet de reporter le terme ou l’échéance de tous les actes prescrits par la loi ou le règlement qui devaient être réalisés pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Selon le Rapport au Président de la République, cela ne constitue ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir. « Il s’agit de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée d’un mois ». C’est finalement un report optionnel.

Ainsi en matière de TUP, le créancier peut former son opposition pendant le délai de trente jours suivant la publication de la décision de dissolution, y compris lorsque ce délai de trente jours expire ou naît pendant la période juridiquement protégée. Il a également la possibilité de former son opposition dans un délai de trente jours suivant la fin de la période juridiquement protégée si la publication de la TUP a eu lieu à compter du 12 mars. Comme le précise la Direction des affaires civiles et du sceau : « cette opposition sera réputée faite à temps ».

II. Date de réalisation la transmission universelle du patrimoine

S’agissant de la réalisation de la TUP en elle-même, se pose également la question du report de sa date d’effectivité. Aux termes de l’article 1844-5 alinéa 3 du Code civil, « La transmission du patrimoine n’est réalisée et il n’y a disparition de la personne morale qu’à l’issue du délai d’opposition ou, le cas échéant, lorsque l’opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées ». Autrement dit, doit-on appliquer ici la règle exposée pour le report du délai d’opposition des créanciers ?

Comme relevé dans la notice ministérielle, la TUP et la disparition de la personnalité morale sont automatiques : aucun acte n’est nécessaire pour constater cet état ; il s’agit uniquement d’un effet des actions qui ont été accomplies antérieurement (décision de dissolution et publication de cette décision notamment). Dès lors, il n’est plus question d’appliquer le mécanisme de report introduit par le gouvernement pour s’adapter au contexte de crise sanitaire. La solution retenue pour le droit d’opposition des créanciers n’entraîne pas un décalage de la date de réalisation de la TUP. Pour déterminer la date de réalisation de l’opération, c’est « l’issue du délai d’opposition » qui sert de référence. Or, puisque cette issue n’est pas modifiée automatiquement par le contexte de crise sanitaire, il semble logique de ne pas la reporter.

Par conséquent, la TUP est réalisée à l’issue du délai de trente jours suivant la publication de la décision de dissolution ou, si une opposition a été formée dans ce délai, lorsque cette opposition est rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.

En cas d’opposition formée après l’arrivée du terme de 30 jours, mais qui serait licite en vertu de l’article 2 de l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, le créancier pourra faire valoir ses droits directement auprès de l’associé unique bénéficiaire de la TUP.

En matière fiscale, l’article 210-0 A du CGI prévoit que la transmission universelle de patrimoine relève, pour l’imposition des bénéfices, du régime de faveur des fusions de l’article 210 A du CGI. Ces dispositions assurent la neutralité fiscale de l’opération de confusion de patrimoine. Si la décision de dissolution peut être affectée d’une clause de rétroactivité, celle-ci n’a qu’une portée fiscale et ne peut être opposée aux tiers, notamment aux créanciers de la société dissoute. La rétroactivité est également sans effet sur le plan comptable, dont la date d’effet est reportée à l’expiration du délai d’opposition des créanciers.