Cass. com., 7 mai 2019 (n° 17-15.905)
La rémunération du représentant de la masse des porteurs de bons de souscription d’actions (BSA) ne peut être fixée que dans les conditions prévues par les articles L. 228-56 et R. 228-63 du Code de commerce, rendus applicables par l’article L. 228-103 du même code.
La société Latécoère émit, en 2010, des BSA exerçables jusqu’au 30 juillet 2015. Par une décision de l’assemblée générale des porteurs de ces BSA du 3 mai 2012, M. P. fut désigné représentant de la masse des porteurs de BSA. À la suite de la démission de M. P., par ordonnance de référé du président d’un tribunal de grande instance datée du 13 juillet 2015, rendue sur assignation d’un porteur de BSA, et en présence de M. P. et de la société Latécoère, la société G. fut désignée en remplacement de M. P. La société G. devint ainsi le représentant de la masse des porteurs de BSA aux frais de la société Latécoère.
Par la suite, la société Latécoère ayant refusé de convoquer une assemblée des porteurs de BSA et de lui verser une provision au titre de ses frais et honoraires pour la période postérieure au 30 juillet 2015, la société G demanda au président du tribunal de grande instance une telle provision.
Dans un arrêt en date du 22 décembre 2016, la Cour d’appel de Toulouse condamna la société Latécoère à payer une provision sur honoraires à la société G. Pour ce faire, les juges du fond se basent sur le droit commun processuel en estimant que M. G. avait, à titre occasionnel, la qualité d’auxiliaire de justice au sens des dispositions de l’article 719 du code de procédure civile et que l’article 720 du même code, applicable à sa rémunération, ne distingue pas entre le caractère provisionnel ou non de ces émoluments. L’arrêt précise également qu’en l’absence de règle propre, cette rémunération est soumise aux articles 710 à 712 du Code de procédure civile, le juge étant directement saisi, sans forme.
Cependant, il existe bien des règles propres à la rémunération du représentant de la masse des porteurs de BSA, ce qui justifie pleinement la cassation de l’arrêt d’appel au visa des articles L. 228-56, L. 228-103 et R. 228-63 du Code de commerce.
En effet, aux dires de la Haute Juridiction : « la société G… avait été désignée représentant de la masse des porteurs de BSA en application de l’article L. 228-50 du code de commerce, ce dont il résultait que sa rémunération ne pouvait être fixée que dans les conditions prévues par les articles L. 228-56 et R. 228-63 du code de commerce, rendus applicables à la masse des porteurs de BSA par l’article L. 228-103 du même code, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Il existe en effet des règles spéciales applicables à la rémunération du représentant de la masse des porteurs de BSA et il est donc parfaitement logique que la Cour de cassation rejette l’application des règles du droit processuel.
En ce sens, l’alinéa premier de l’article L. 228-103 du Code de commerce énonce que : « Les titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital après détachement, s’il y a lieu, des droits du titre d’origine en application de la présente section sont groupés de plein droit, pour la défense de leurs intérêts communs, en une masse qui jouit de la personnalité civile et est soumise à des dispositions identiques à celles qui sont prévues, en ce qui concerne les obligations, par les articles L. 228-47 à L. 228-64, L. 228-66 et L. 228-90. Il est formé, s’il y a lieu, une masse distincte pour chaque nature de titres donnant les mêmes droits ».
Or, l’article L. 228-56 du Code de commerce (applicable donc par renvoi de l’article L. 228-103 C. com.) est limpide :
« La rémunération des représentants de la masse telle que fixée par l’assemblée générale ou par le contrat d’émission est à la charge de la société débitrice.
A défaut de fixation de cette rémunération, ou si son montant est contesté par la société, il est statué par décision de justice.
Sans préjudice de l’action en responsabilité contre les mandataires sociaux ou le représentant de la masse, toute décision accordant à ce dernier une rémunération en violation des dispositions du présent article est nulle ».
L’article R. 228-63 du Code de commerce donne lui aussi d’importantes précisions : « Lorsqu’elle n’a été déterminée ni par le contrat d’émission ni par l’assemblée générale des obligataires, la rémunération des représentants de la masse est fixée par le président du tribunal de grande instance, statuant sur requête, à la demande de la société ou du représentant de la masse intéressé.
Le montant de la rémunération allouée par l’assemblée générale des obligataires peut être réduit, à la demande de la société, par le président du tribunal de grande instance statuant en référé ».
Aussi, en l’espèce, le président du TGI statuant sur requête se devait de fixer une rémunération au représentant de la masse des porteurs de BSA ou, statuant cette fois en référé, il pouvait réduire la rémunération hypothétiquement allouée par l’assemblée générale de la masse des porteurs de BSA. Il ne pouvait donc pas assimiler ce représentant à un auxiliaire de justice pour condamner la société Latécoère à lui verser une provision au titre de ses frais et honoraires.