La loi PACTE a modifié les règles applicables aux conventions libres et aux conventions réglementées sans bouleverser l’équilibre antérieur. Certaines obligations ne s’appliquent qu’aux SA cotées tandis que d’autres le sont à l’ensemble des SA.
Adoptée définitivement le 11 avril 2019 par l’Assemblée Nationale et publiée au Journal officiel le 23 mai 2019, la loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises : Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises : voir le lien) comporte de nombreuses mesures touchant les entreprises qui sont donc, pour la majorité, déjà entrées en vigueur. Riche de 221 articles avant son passage devant le Conseil constitutionnel, cette réforme d’envergure ambitionne, selon le Ministre de l’Économie et des Finances M. Bruno Lemaire, de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois.
L’une des mesures de la loi, en son article 198 IV, concerne les conventions réglementées dans les SA. La réforme ne vient pas bouleverser l’équilibre actuel, mais elle apporte des modifications importantes tout en permettant une mise en conformité du droit français avec la directive européenne « Droit des actionnaires II » (Directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires).
Le législateur entend renforcer la lutte contre les conflits d’intérêts tout en venant, peut-être, complexifier un domaine au fonctionnement déjà obscur. Les nouvelles règles s’appliquent dans les SA et, par renvoi, dans les SCA (Art. L. 226-10 C. com.). Les conventions interdites n’ont pas été retouchées par la loi PACTE qui est venu en revanche modifier les règles applicables en matière de convention libre et de convention réglementée.
I. Modifications propres aux SA cotées
Les conventions libres sont désormais plus contrôlées (A) et la transparence accrue (B).
A. Un contrôle renforcé des conventions libres
Par définition, la conclusion des conventions libres n’impose pas le respect d’une procédure particulière. Sont des conventions libres : celles qui portent sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ou celles conclues entre une société mère et sa filiale détenue à 100 %. Les seules conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales sont concernées par la loi PACTE qui entend s’assurer que ne sont pas assimilées à des conventions libres des conventions qui devraient, en réalité, être considérées comme réglementées.
Depuis le 10 juin 2019, conformément à la directive précitée, le conseil d’administration (ou de surveillance) doit mettre en place une procédure permettant d’évaluer régulièrement si les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales remplissent bien ces conditions. Les personnes directement ou indirectement intéressées à l’une de ces conventions ne participent pas à cette évaluation.
Ce nouveau mode d’évaluation interne à la société demeure « souple » car le législateur n’a pas encadré le fonctionnement de ce mécanisme de contrôle qui devrait associer les commissaires aux comptes par définition présents dans les sociétés cotées. De même, aucune sanction spécifique n’a été associée à cette obligation nouvelle d’évaluation des conventions courantes. On imagine cependant aisément qu’un irrespect de cette obligation constituera une faute permettant d’engager la responsabilité civile des dirigeants.
B. Une transparence accrue
Pour parfaire ce nouveau mécanisme d’évaluation, le rapport sur le gouvernement d’entreprise des SA cotées devra dorénavant comporter la description de la procédure de contrôle ainsi que sa mise en œuvre.
En outre, toujours dans une optique de transparence renforcée, la loi PACTE impose une diffusion d’informations sur les conventions réglementées. Ces informations, qui vont donc au-delà de la seule existence de la convention et dont la liste doit être fixée par décret, devront être publiées sur le site Internet de la société au plus tard au moment de la conclusion de la convention. Cette diffusion très large a pour but d’informer l’ensemble du marché et ne se cantonne donc pas à la société et ses seuls actionnaires.
Pour assurer le respect de cette obligation nouvelle, à défaut de publication, tout intéressé pourra demander, en référé, au président du tribunal d’enjoindre le conseil concerné de procéder à cette publication, le cas échéant sous astreinte.
II. Modifications pour l’ensemble des SA
Pour l’ensemble des SA, la transparence est également renforcée (A’) et la participation au contrôle des personnes indirectement intéressées revisitée (B’).
A’. Une transparence accrue
Dans les SA et les SCA non dotées d’un commissaire aux comptes (en application des nouvelles règles de désignation issues de la loi PACTE), il incombera au président du conseil d’administration ou de surveillance d’établir le rapport spécial à l’assemblée générale sur les conventions réglementées ainsi que le rapport spécial visant à couvrir la nullité en cas de défaut d’approbation préalable. L’absence d’un commissaire aux comptes dans la société n’impliquera donc pas l’inexistence de ces rapports spéciaux. Le législateur a entendu substituer le président du conseil au commissaire aux comptes pour présenter et établir les rapports concernés.
En outre, le contenu du rapport sur le gouvernement d’entreprise est quelque peu élargi. Il doit désormais mentionner Les conventions intervenues, directement ou par personne interposée, entre, d’une part, l’un des mandataires sociaux ou l’un des actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % d’une société et, d’autre part, une autre société contrôlée par la première au sens de l’article L. 233-3, à l’exception des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales. Avant la loi PACTE, ce n’était pas le critère du contrôle de l’article L. 233-3 du Code de commerce qui était visé mais l’hypothèse d’une société qui détenait directement ou indirectement plus de la moitié du capital social.
B’. La participation au contrôle des personnes indirectement intéressées revisitée
Enfin, la loi PACTE apporte des précisions utiles quant à la participation des personnes intéressées indirectement par une convention réglementée dans les mécanismes d’approbation de ces dernières.
Désormais, tant la personne directement qu’indirectement intéressée à la convention est tenue d’informer le conseil dès qu’elle a connaissance d’une convention à laquelle l’article L. 225-38 du Code de commerce est applicable. Pour lutter contre les conflits d’intérêts, devant le conseil concerné, cette personne ne peut prendre part ni aux délibérations ni au vote sur l’autorisation sollicitée. Initialement c’est le terme « l’intéressé » qui était visé par la loi. La réforme apporte donc plus de clarté en précisant qu’est visée « la personne directement ou indirectement intéressée à la convention ». Les modalités de l’interdiction de prendre part aux délibérations du conseil ne sont pas précisées et il faudra, selon nous, veiller à ce que la personne concernée ne soit pas présente physiquement car sa seule présence silencieuse pourrait influencer les votes et les débats.
De plus, cette même formule est reprise pour l’approbation a posteriori de la convention en assemblée générale. Par conséquent, la personne directement ou indirectement intéressée à la convention ne peut pas prendre part au vote en assemblée générale pour éviter tout conflit d’intérêts, même en qualité de mandataire d’un autre actionnaire. Le législateur ajoute également que ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité. En revanche, elles le sont pour le quorum. De même et contrairement à ce qui se passe pour les délibérations des conseils, en assemblée générale et quand il est actionnaire, l’intéressé conserve son droit de présence et de participation aux débats préalables au vote.