Lors du premier confinement, nos équipes vous avaient présenté les mesures exceptionnelles adoptées par voie d’ordonnance afin d’assurer la continuité du fonctionnement des sociétés tout en tenant compte des restrictions imposées par la crise sanitaire (Voir ici notre article).
- L’Ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l’épidémie de COVID -19 ;
- L’Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de COVID-19.
Un décret du 29 juillet 2020 avait prolongé l’application dans le temps des mesures exceptionnelles de réunion et de déroulement des assemblées générales jusqu’au 30 novembre 2020. Les règles dérogatoires relatives à l’approbation des comptes n’étaient quant à elles pas concernées par cette mesure. (Voir ici notre article).
L’évolution de la situation sanitaire, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire et les nouvelles mesures de confinement justifiaient une nouvelle intervention par ordonnance qui, au demeurant, fut tardive. La société Bonduelle s’est ainsi retrouvée dans une situation ubuesque : elle avait convoqué son assemblée générale annuelle pour le 3 décembre 2020, mais les règles sanitaires interdisaient sa tenue en présentiel et le dispositif dérogatoire permettant la tenue de l’assemblée à huis clos n’était plus applicable à cette date.
Fort heureusement, pareil imbroglio sera désormais impossible grâce à l’Ordonnance n° 2020-1497 du 2 décembre 2020 portant prorogation et modification de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19.
L’ordonnance de mars n’est pas reconduite à droit constant, ce qui suppose une étude du nouveau dispositif temporaire mis en place. Pour information, les dispositions applicables aux seules sociétés cotées ne seront pas abordées.
1. Qui peut bénéficier des nouvelles règles :
Le champ d’application du texte est très large puisqu’il vise les personnes morales et les entités dépourvues de personnalité morale de droit privé.
L’article 1er de l’Ordonnance en donne une liste non exhaustive : les sociétés civiles et commerciales, les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers, les groupements d’intérêt économique et les groupements européens d’intérêt économique, les coopératives, les mutuelles, unions de mutuelles et fédérations de mutuelles, les sociétés d’assurance mutuelle et sociétés de groupe d’assurance mutuelle, les instituts de prévoyance et sociétés de groupe assurantiel de protection sociale, les caisses de crédit municipal et caisses de crédit agricole mutuel, les fonds de dotation, les associations et les fondations.
Selon le rapport au Président de la République (à consulter ici) : « au sein de ces groupements, sont couverts l’ensemble des assemblées – telles que, par exemple, les assemblées générales des actionnaires, associés, membres, sociétaires ou délégués, les assemblées spéciales, les assemblées des masses – et l’ensemble des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction – tels que, par exemple, les conseils d’administration, conseils de surveillance et directoires ».
2. Quand s’applique le nouveau dispositif ?
Pour éviter toute discontinuité, les nouvelles règles sont applicables depuis le 3 décembre 2020 (jour de la publication de l’ordonnance) et jusqu’au 1er avril 2021. Cette date correspond au terme de la période transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire fixé par l’article 2 de la loi du 14 novembre 2020. En outre, cette « date limite » est assortie de la faculté de procéder à de nouvelles prorogations par voie de décret en Conseil d’Etat jusqu’à une date butoir fixée au 31 juillet 2021.
3. Un risque de nullité écarté
Dans notre commentaire de la version initiale de mars, nous avions soulevé un problème pratique évident : « nous regrettons que les dispositions de l’article 2 de l’Ordonnance protégeant les sociétés cotées contre le risque de nullité de l’assemblée générale en cas de non-respect de leur obligation de convoquer par voie postale leurs actionnaires devant être convoqués sous cette forme n’ait pas été entendues à l’ensemble des personnes morales et entités entrant dans le champ d’application de l’Ordonnance ».
Ce grief a été pris en compte par le gouvernement qui a compris les difficultés matérielles causées par la nécessité d’effectuer une convocation par voie postale en période de crise sanitaire.
Désormais, lorsqu’une personne ou une entité mentionnée visée par l’ordonnance doit procéder à la convocation d’une assemblée par voie postale, aucune nullité de l’assemblée n’est encourue du seul fait qu’une convocation n’a pas pu être réalisée par voie postale en raison de circonstances extérieures à cette personne ou entité.
Relevez aussi que la satisfaction de vos obligations en matière de communication préalable à la tenue des assemblées de vos sociétés fait à nouveau l’objet d’une simplification puisqu’il vous sera possible, durant la période évoquée ci-avant, de répondre à une demande de communication préalable par communication électronique.
4. La possibilité resserrée de réunir une assemblée à huis clos
Pour rappel, des assemblées sont dites « à huis clos » quand leurs membres – et les autres personnes ayant le droit d’y assister, tels que les commissaires aux comptes et les représentants des instances représentatives du personnel – n’y participent pas, que ce soit physiquement ou par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle. Dans cette hypothèse, les membres participent ou votent à l’assemblée selon les autres modalités prévues par les textes qui la régissent tels qu’aménagés et complétés le cas échéant par la présente ordonnance. L’associé ne va alors ni participer aux débats lors de la séance ni poser des questions orales. Néanmoins, il conserve évidemment l’essentiel : son droit de vote. Cet aménagement permet à l’assemblée générale de statuer valablement afin d’assurer la continuité de la société dans une période complexe rendant délicate voire impossible la tenue d’assemblée générale en présentiel.
Ces entorses aux droits des associés font l’objet d’un encadrement certain. Ainsi, la réunion d’une assemblée à huis clos suppose de caractériser plusieurs conditions plus restrictives que dans la version de mars 2020.
Il faut désormais qu’à la date de la convocation de l’assemblée ou à celle de sa réunion, une mesure administrative limitant ou interdisant les déplacements ou les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires fasse obstacle à la présence physique à l’assemblée de ses membres.
Selon le Rapport au Président de la République, « l’article 2 de la présente ordonnance substitue à la condition figurant dans l’ordonnance du 25 mars 2020 initiale, qui faisait l’objet d’une appréciation in abstracto portant uniquement sur l’existence d’une mesure restrictive affectant le lieu où l’assemblée était convoquée, une condition qui devra faire l’objet d’une appréciation in concreto. Cette nouvelle condition permettra de mieux tenir compte de la situation sanitaire, des mesures restrictives prises pour y répondre et de l’impact de ces dernières sur chaque groupement, qui dépend de caractéristiques propres à chacun d’eux (en particulier, le nombre de membres habituellement présents à l’assemblée et la capacité à accueillir ces membres dans le respect des règles sanitaires) ». En clair, toutes les sociétés n’auront pas la possibilité de réunir systématiquement une assemblée générale à huis clos dans les prochaines semaines et une analyse minutieuse de leurs situations sera nécessaire.
5.Une alternative : le recours à une conférence téléphonique ou audiovisuelle
Plutôt que de recourir à une assemblée à huis clos et pour favoriser les droits des associés en dépit du contexte sanitaire, l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire peut décider d’une participation à la séance par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle. A cette fin, l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 a été prorogé sans être retouché. Aucune clause statutaire autorisant une participation à distance n’est donc nécessaire. Les associés participant de manière immatérielle à l’assemblée sont alors réputés présent pour le calcul du quorum et de la majorité et ceci quel que soit l’objet de l’assemblée générale.
Sous réserve de disposer des moyens techniques nécessaires, il est donc possible de pallier l’impossibilité pour les membres de participer physiquement à la séance en leur permettant d’y participer par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle.
6. Le recours à la consultation écrite étendu dans tous les groupements
Afin d’éviter les frais et les difficultés inhérents à la tenue d’une assemblée générale dématérialisée, l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire peut décider de consulter les associés par écrit. Cette consultation est possible quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer. De même, pour tenir compte du contexte sanitaire, aucune clause statutaire ne peut interdire ou encadrer le recours à cette modalité de consultation des associés.
L’ordonnance du 2 décembre étend significativement ce mode alternatif de prise de décision à l’ensemble des groupements de droit privé pour lesquels il n’est pas déjà prévu par la loi, à l’exception des sociétés cotées. Selon le Rapport au Président de la République, « cette extension vise à faciliter la prise des décisions relevant de la compétence de l’assemblée, dans un contexte sanitaire dégradé et alors que les mesures restrictives prises en réponse à la crise sanitaire peuvent rendre la tenue d’une assemblée en présentiel difficile. La consultation écrite des membres de l’assemblée intervient soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d’émission, lorsque ce mode de prise de décision est déjà prévu par ces derniers, soit dans les conditions qui seront prochainement définies par voie de décret en Conseil d’Etat, lorsque le régime légal ou réglementaire de l’assemblée, les statuts ou le contrat d’émission n’encadrent pas déjà ce mode de prise de décision ». Nous vous informerons des modalités de ce décret lors de sa publication.
7. Le vote par correspondance facilité
Quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer, l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire peut décider d’un vote par correspondance.
Aucune clause des statuts ou du contrat d’émission n’est nécessaire ni ne peut s’opposer à cette modalité de vote. De plus, lorsque les dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’assemblée, les statuts ou le contrat d’émission prévoient que les associés peuvent voter par correspondance sans subordonner cette faculté à une décision de l’organe de direction, cette faculté demeure de droit.
Le vote par correspondance est réalisé :
- soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires, les statuts ou le contrat d’émission, lorsque ce mode de vote est déjà prévu par ces derniers ;
- soit dans les conditions qui seront définies par voie de décret lorsque le régime légal ou réglementaire de l’assemblée, les statuts ou le contrat d’émission n’encadrent pas déjà ce mode de vote.
8. Modification des modalités de l’assemblée
Dans l’hypothèse où vous auriez d’ores et déjà procédé à la convocation de tout ou partie de vos associés et que vous envisagiez de profiter de l’un des assouplissements mentionnés ci-dessus, il vous sera possible, en application de l’article 7 de cette Ordonnance, d’y recourir, sous réserve d’en informer les destinataires « par tous moyens permettant d’assurer leur information effective » au moins trois jours ouvrés avant la date de l’assemblée générale. Dans ce cas, l’Ordonnance précise que la modification du lieu de l’assemblée ou des modes de participation ne donne pas lieu au renouvellement des formalités de convocation et ne constitue pas une irrégularité de convocation.
Un basculement d’une assemblée générale hors présence physique des associés vers une assemblée en présentiel est désormais également visé par l’Ordonnance. Les simplifications présentées pour un basculement d’une assemblée en présentiel vers une assemblée à distance sont alors applicables. Symétriquement, il faut donc informer de manière effective les associés du changement 3 jours ouvrés avant la date de l’assemblée générale.
9. Prorogation des règles applicables aux organes d’administration, de surveillance et de direction
Les règles de tenue des réunions de votre conseil d’administration, conseil de surveillance, directoire ou de tout autre organe d’administration, de surveillance ou de direction ont été prorogées. Il vous est à nouveau possible, sans que cela ne soit prévu par vos statuts ou votre règlement intérieur, de recourir à la conférence téléphonique ou audiovisuelle ou à la consultation écrite, quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’organe social est appelé à statuer. Le fonctionnement des sociétés devrait être ainsi plus aisément assuré dans cette période complexe.
Dans l’attente du décret devant apporter les précisions manquantes, nos équipes demeurent à votre disposition pour vous aider à assurer le bon fonctionnement de vos groupements et la tenue de leurs assemblées générales.