BSA : fait générateur des cotisations sociales

7 novembre 2023

En matière de bons de souscription d’actions, le fait générateur des cotisations sociales afférentes à un avantage salarial s’entend de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d’actions, de sorte que l’avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l’économie réalisée par le bénéficiaire.

 

Cass. civ. 2e, 28 septembre 2023, n°21-20.685, Publié au Bulletin.

 

Vous pouvez consulter l’arrêt ici.

 

L’analyse fiscale des bons de souscription d’actions (BSA) a fait couler beaucoup d’encre à la suite de trois arrêts rendus par le Conseil d’Etat en date du 13 juillet 2021 qui ont requalifié fiscalement en salaires les gains réalisés par des managers (CE Plénière, 13 juillet 2021 n° 428506, n° 435452 et n° 437498, publiés au recueil Lebon. Consulter ici la décision n°428506).

Il ne faut toutefois pas non plus négliger le traitement des BSA en matière de cotisations sociales comme le démontre la Cour de cassation dans son arrêt du 28 septembre 2023 publié au Bulletin (Consulter la décision ici).

En l’espèce, une société avait fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF portant sur les années 2013 à 2015. Ce dernier donna lieu à l’envoi d’une lettre d’observations, le 2 novembre 2016, retenant divers chefs de redressement, puis à une mise en demeure le 22 décembre 2016. Un recours a alors été formé par la société redressée devant une juridiction chargée du contentieux de la Sécurité sociale. Par la suite, un arrêt fut rendu par la Cour d’appel de Paris le 11 juin 2021 et un pourvoi en cassation formé par la société.

A l’appui de ce pourvoi, la demanderesse avance que l’acquisition onéreuse de BSA constitue par nature un investissement financier et non un élément de rémunération assujetti à cotisations de sécurité sociale ; qu’elle ne constitue un avantage assujetti à cotisations sociales que lorsque les bons sont proposés aux dirigeants et salariés en contrepartie ou à l’occasion du travail et sont acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, ces deux exigences étant cumulatives. Selon elle, aucune de ces deux exigences n’étaient en l’espèce remplies. Enfin, la société soulevait à titre subsidiaire qu’en cas de requalification des BSA en avantage salarial, la date retenue du fait générateur de l’avantage n’était pas la bonne.

Dans son arrêt publié au Bulletin, la Haute juridiction rejette le pourvoi tout en procédant à un revirement de jurisprudence.

Pour commencer, elle se fonde sur l’article L. 242-1 alinéa 1er du Code de la sécurité sociale pour confirmer la qualification d’avantage entrant dans l’assiette des cotisations sociales lorsque les BSA sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles. Cette précision n’est en rien surprenante au regard de la jurisprudence antérieure tout comme la précision apportée ensuite : « le caractère préférentiel des conditions d’attribution des bons de souscription d’actions résulte tant de la qualité de salariés ou de mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité que des conditions d’émission et de cessibilité des bons, les conditions financières de la souscription n’en constituant qu’un simple indice ». En l’espèce, les juges du second degré avaient relevé que contrat d’émission des BSA l’avait été au bénéfice exclusif de sept dirigeants, mandataires sociaux ou salariés de la société, pendant la période de souscription ouverte du 7 septembre au 31 décembre 2009 inclus, et que les bons de souscription d’actions n’étaient pas cessibles. De plus, ils avaient retenu que les droits attachés à la souscription des bons étaient corrélés à l’existence d’une relation de travail, en sorte que la possibilité d’exercice des bons de souscription d’actions litigieux constituait un avantage devant entrer dans l’assiette des cotisations sociales, peu important que deux des sept dirigeants n’aient plus été au service de la société à la date à laquelle ils les avaient exercés.

Somme toute, la méthode de raisonnement suivie rejoint ni plus ni moins les enseignements tirés de l’arrêt dit Barrière rendu en date du 04 avril 2019 par cette même deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 2e, 04 avril 2019, N°17-24470 à consulter ici).

Qui plus est, cet arrêt Barrière est cité expressément au paragraphe 6 de l’arrêt du 28 septembre 2023 pour exposer la solution jusqu’alors retenue en matière de fait générateur des cotisations sociales avant d’exposer le revirement et d’en donner les raisons. Dans l’arrêt de 2019, la Cour de cassation avait énoncé qu’il « résulte des dispositions combinées des articles L. 242-1 alinéa 1er et R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage est la mise à disposition effective de l’avantage au salarié bénéficiaire, soit la date à laquelle il a eu la libre disposition des bons de souscription, et que l’avantage doit être évalué selon la valeur des bons à cette date ».

Dans son arrêt de 2023, la Haute juridiction relève que cette solution présente une difficulté s’agissant, d’une part, de la détermination de la date de libre disposition des bons de souscription dont l’exercice ou la cession s’opère non à une date fixe mais sur une période et, d’autre part, de la méthode d’évaluation des bons. Elle ajoute que cela conduit à soumettre à cotisations un avantage théorique et non pas l’avantage réel correspondant au gain réalisé par le bénéficiaire, lors de la cession des bons de souscription, ou à l’économie faite lors de leur réalisation par l’acquisition d’actions.

En conséquence, un revirement de jurisprudence est réalisé pour dorénavant considérer que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage s’entend de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d’actions, de sorte que l’avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l’économie réalisée par le bénéficiaire.

Comme le souligne la haute juridiction, c’est la méthode d’évaluation qui avait été suivie par la Cour d’appel de Paris. En effet, pour déterminer la valeur de l’avantage, fut en compte la plus-value calculée pour chaque bénéficiaire à la date d’exercice effectif de ses bons de souscription d’actions, laquelle correspondait à la différence entre, d’une part, la valeur de l’action à la date de son acquisition et, d’autre part, le prix d’acquisition du bon et celui de l’action. En termes d’assiette, l’avantage intègre désormais l’éventuelle prise de valeur des BSA entre la date d’attribution et celle de la cession ou de la réalisation des BSA.

 

Par Quentin Némoz-Rajot