Dans un communiqué de presse du 18 juillet 2024, Infogreffe a annoncé une évolution des conditions d’accès au Registre des Bénéficiaires Effectifs à compter du 31 juillet 2024. Le grand public ne peut désormais plus consulter librement le registre puisqu’un filtrage a été mis en place.
Communiqué de presse à consulter ici.
Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter le Registre des Bénéficiaires Effectifs (RBE) – voir ici notre article – comme d’évoquer une impossibilité momentanée d’accès pour le grand public début 2023 (article à consulter ici).
A l’heure où nous écrivons ces lignes, les informations relatives aux bénéficiaires effectifs, actualisées quotidiennement, ne sont désormais plus accessibles gratuitement en open data notamment sur le site data.inpi.fr ou sur le site infogreffe.fr (en indiquant par exemple, la dénomination sociale, le numéro SIREN ou le nom du représentant d’une société ou entité).
Un accès libre critiqué par la CJUE
Le libre accès et la gratuité de ces informations résultaient de la volonté du législateur exprimée indirectement à l’alinéa 2 de l’article L. 561-46 aliéna 2 du Code monétaire et financier : « Seules sont accessibles au public, les informations relatives aux nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, mois, année de naissance, pays de résidence et nationalité des bénéficiaires effectifs ainsi qu’à la nature et à l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans la société ou l’entité ».
En application de ce même article L. 561-46 du Code monétaire et financier, les informations relatives aux bénéficiaires effectifs portent sur les éléments d’identification et le domicile personnel de ces bénéficiaires ainsi que sur les modalités du contrôle que ces derniers exercent sur la société ou l’entité. Cependant, l’intégralité de ces informations est uniquement accessible aux sociétés et entités concernées, aux autorités judiciaires, à l’administration des douanes, à l’administration des finances publiques ou aux personnes ayant l’obligation d’identifier les bénéficiaires effectifs comme les avocats, experts-comptables, commissaires aux comptes ou établissements bancaires.
Toutefois, une évolution était annoncée depuis de long mois à la suite d’un arrêt de la CJUE. En effet, par une décision du 22 novembre 2022 (affaires jointes C‑37/20 et C‑601/20 à consulter ici), la Cour de justice de l’Union européenne avait invalidé le dispositif selon lequel les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire devaient être accessibles dans toutes les hypothèses à tout membre du grand public.
Selon la Cour, « l’article 1er, point 15, sous c), de la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018, modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE, est invalide en tant qu’il a modifié l’article 30, paragraphe 5, premier alinéa, sous c), de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission, en ce sens que cet article 30, paragraphe 5, premier alinéa, sous c), prévoit, dans sa version ainsi modifiée, que les États membres doivent veiller à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire soient accessibles dans tous les cas à tout membre du grand public ».
Les objectifs de transparence et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ne sont absolument pas remis en cause par cet arrêt. Cependant, il était question de restreindre l’accès aux informations propres aux bénéficiaires effectifs et in fine les modalités qui permettent de les consulter pour le grand public.
Autrement dit, il était nécessaire de mettre en place un système plus équilibré entre la protection de la vie privée, la protection des données à caractère personnel (garanties par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) et la transparence pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L’idée sous-jacente était alors de reprendre les termes de la directive de 2015 instaurant le RBE – supprimés par la directive précitée de 2018 – termes qui imposaient au grand public de démontrer un intérêt légitime afin d’accéder aux informations contenues au sein du registre.
C’est d’ailleurs ce qui fut annoncé, le 19 janvier 2023, par un communiqué de presse (à consulter ici) du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique : « les futures modalités d’accès aux données du registre des bénéficiaires effectifs tenant compte de la décision de la CJUE seront définies prochainement, en lien avec les parties prenantes. Elles permettront notamment aux organes de presse et aux organisations de la société civile y ayant un intérêt légitime de continuer à accéder au registre ».
Cependant cette modification n’est jamais intervenue. Ainsi, l’open data est resté opérationnel jusqu’à fin juillet 2024. En revanche, une directive du Parlement européen et du Conseil en date du 31 mai 2024 est depuis venue imposer cette intervention législative au plus tard au 10 juillet 2026. Au sein de l’Union européenne, le grand public devra donc démontrer un intérêt légitime pour accéder aux informations contenues au sein du RBE.
Un accès aux informations dorénavant limité
Infogreffe (voir ici le communiqué de presse) et l’INPI (voir ici la page d’information) ont tenu compte de la directive de 2024 et de la décision de la CJUE pour limiter l’accès au RBE à compter du 31 juillet 2024.
Désormais, le grand public n’a plus un accès libre au registre. Cela ne signifie pas pour autant qu’il est impossible d’accéder à une partie des informations publiées ni que cet accès est devenu payant.
Plusieurs situations doivent être distinguées et il est important de relever que c’est l’accès au grand public qui est restreint. Ainsi, les personnes dont la liste est donnée à l’article L. 561-46 du CMF. (par ex. : les autorités judiciaires, l’administration des douanes ou encore l’administration des finances publiques) continuent de bénéficier d’un accès complet au RBE sans avoir besoin de présenter un intérêt légitime ni de remplir un formulaire.
- un accès aux informations du registre jusqu’alors librement disponibles (à savoir : les informations relatives aux nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, mois, année de naissance, pays de résidence et nationalité des bénéficiaires effectifs ainsi qu’à la nature et à l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans la société ou l’entité) reste possible pour les personnes suivantes : journalistes, chercheurs, organisations de la société civile, prestataires de services pour un assujetti à la lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme, assujettis à la loi Sapin II, prestataires de services pour un assujetti à la loi Sapin II. Elles doivent toutefois demander cet accès tout en justifiant de sa qualité. Pour ce faire, l’INPI met à disposition un formulaire (accessible ici) comme un tableau des pièces justificatives à transmettre pour obtenir cet accès (accessible ici). En passant par la plateforme infogreffe, un formulaire sera prochainement mis en place et, dans l’attente, il est nécessaire de les contacter à l’adresse suivante rbe@infogreffe-siege.fr
- Une demande d’accès plus limitée est également possible. Elle concerne cette fois un public plus large. Attention, la demande ne vise alors qu’une cible et non l’accès à l’ensemble des informations disponibles auprès du RBE. Il est nécessaire d’adresser la demande à travers les mêmes formulaires que dans l’hypothèse précédente. C’est ici la plus grande marque de restriction d’accès aux informations publiées au RBE. Le grand public peut dorénavant accéder à des informations limitées (cela ne change pas) mais cible par cible en remplissant un formulaire par demande tout en établissant un intérêt légitime à accéder à ces informations. Le formulaire mis en ligne par l’INPI permet de distinguer plusieurs situations permettant de caractériser un intérêt légitime du demandeur : c’est le cas pour les sociétés entrant en relation d’affaires avec un tiers, les assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme non membres de l’Union européenne, les autorités compétentes non membres de l’Union européenne dans le cadre de leurs missions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les administrations publiques dans le cadre de la distribution d’une subvention ou de la passation de contrats publics.
- Bien entendu, le représentant d’une entité ayant procédé à une déclaration au RBE peut, par le même formulaire, demander à accéder aux informations déclarées au nom de ladite entité.
- Il en va de même pour une personne physique désignée bénéficiaire effectif qui peut demander, de la même manière, à accéder aux informations propres à l’entité l’ayant déclarée comme tel.
Nos équipes se tiennent à votre entière disposition pour toutes vos questions relatives au RBE et à l’accès aux informations qu’il contient.