Le régime du groupe TVA, prévu par l’article 11 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA permet aux Etats membres de l’Union européenne de considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire d’un même Etat membre qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.
A la suite de sa transposition en droit français à l’article 256 C du CGI, le régime du groupe TVA a fait l’objet de premiers commentaires de la part de l’administration fiscale, lesquels ont fait l’objet d’une consultation publique.
Cette consultation a conduit à une mise à jour de la doctrine administrative, laquelle a apporté les précisions suivantes :
Appréciation du lien de contrôle dans le cas des associations
La condition de contrôle permettant d’établir les liens financiers entre les entités membres d’un groupe TVA est satisfaite par la détention, directe ou indirecte, de plus de 50% du capital ou des droits de vote d’un autre assujetti.
Dans sa doctrine mise à jour, l’administration fiscale a apporté une précision attendue s’agissant des associations et indique que le contrôle, direct ou indirect, de la majorité des voix au sein l’assemblée générale constitue un élément de nature à caractériser l’existence de liens financiers, permettant ainsi, à l’instar des GIE, à une entité dépourvue de capital social d’être membre d’un groupe TVA. (BOI-TVA-AU-10-20-10§40, 21 juin 2023)
Régime applicable aux opérations réalisées par les membres avant la constitution de l’assujetti unique
À compter de la date de constitution de l’assujetti unique, les membres perdent leur qualité d’assujetti et n’ont plus à effectuer de déclaration de TVA.
Les membres du groupe TVA conservent toutefois leur responsabilité quant aux obligations déclaratives relatives aux opérations qu’ils réalisent dont le fait générateur ou l’exigibilité intervient avant la date de leur adhésion à l’assujetti unique.
En cas d’opération dont le fait générateur intervient avant la date de constitution de l’assujetti unique mais dont l’exigibilité intervient postérieurement à cette date, il est précisé que le membre doit déposer une déclaration de TVA rectificative de sa dernière période d’assujettissement avant son entrée dans le groupe. En pratique, cette déclaration sera déposée autant de fois que nécessaire.
La doctrine définitive ajoute également que « s’agissant des droits à déduction, lorsque la taxe afférente aux dépenses réalisées par le membre devient exigible (et donc déductible), postérieurement à la constitution de l’assujetti unique, la déduction de cette taxe doit être opérée par l’assujetti unique. » (pour un exemple pratique, voir BOI-TVA-AU-10-30 §50, 21 juin 2023)
Régularisations susceptibles d’intervenir lors de la constitution de l’assujetti unique
L’adhésion d’un assujetti à un groupe TVA constitue le transfert d’une universalité bénéficiant des dispositions de l’article 257 bis du CGI. Toutefois, la création d’un assujetti unique peut avoir des conséquences sur les régimes de TVA applicables aux opérations de ses membres désormais constitués en secteurs distincts de l’assujetti unique.
En effet, les opérations réalisées entre les membres de l’assujetti unique devenant des opérations purement internes, l’entrée d’un assujetti dans un groupe TVA peut, le cas échéant, conduire au changement d’affectation d’un bien entrainant des régularisations.
Le projet de BOFIP prévoyait d’ores et déjà le cas d’une régularisation globale résultant de l’option pour le régime de l’assujetti unique dans le cas d’une immobilisation précédemment affectée à 100% à une activité ouvrant droit à déduction qui deviendrait, du fait de la constitution du groupe TVA, affecté à 100% à des opérations internes pour les besoins de l’activité exonérée des membres (exemple des locations immobilières à des membres du groupe TVA pour les besoins de leurs activités exonérées). Ces commentaires restent inchangés dans la version définitive.
Dans ses commentaires définitifs, l’administration intègre également l’exemple pratique d’une régularisation annuelle engendrée par la mise en place d’un groupe TVA dans le cas d’une immobilisation dont le coefficient de taxation est modifié sans pour autant devenir nul. (BOI-TVA-AU-10-30 §130)
Modalités déclaratives de l’évolution du périmètre de l’assujetti unique durant la période obligatoire
Pour mémoire, le périmètre de l’assujetti unique est intangible au cours de ses trois premières années d’existence. Il est néanmoins prévu qu’un assujetti qui ne remplissait pas les conditions de liens nécessaires à son intégration dans le périmètre de l’assujetti unique au jour de l’exercice de l’option puisse intégrer le groupe TVA avant la fin de la période obligatoire dès lors qu’il remplit par la suite les conditions requises.
L’administration, dans ses commentaires définitifs, indique que l’option pour intégrer un nouveau membre doit être formalisée au cours de l’année précédant celle au titre de laquelle le nouveau membre fera partie de l’assujetti unique (BOI-TVA-AU-20, 21 juin 2023 n°20). A défaut de précision complémentaire, certains auteurs concluent qu’en pratique, l’option pour intégrer un nouveau membre peut être pratiquée jusqu’au 31 décembre de l’année précédant l’entrée dans le groupe. Une précision de la doctrine sur ce point est espérée.
Exercice du droit à déduction dans le cas particulier des dépenses individualisables directement imputées, au sein de l’assujetti unique, aux membres utilisateurs
Les commentaires mis en consultation publique prévoyaient d’ores et déjà que dans une telle situation, l’assujetti unique peut écarter les règles applicables aux dépenses mixtes et déterminer le montant de la taxe déductible en fonction de son utilisation par chaque utilisateur pour la dépense qui lui est allouée.
La doctrine définitive précise que l’assujetti unique peut également opérer la déduction directement au niveau du secteur distinct constitué par le membre utilisateur, pour la part de la dépense qui lui est imputée. (BOI-TVA-AU-40 §210)
A titre illustratif, dans l’hypothèse d’une TVA déductible d’un montant de 2 000 € grevant une dépense exposée par le membre n°1 dont l’imputation est la suivante : 1 000 € imputables au secteur 1, 500 € imputables au secteur 2 et 500 € imputables au secteur 3, l’assujetti unique a désormais le choix entre :
- inscrire le montant global de la TVA déductible sur le formulaire annexé à sa déclaration de chiffre d’affaires correspondant au membre n°1, en appliquant le coefficient de déduction de chaque membre utilisateur, à proportion de la dépense imputée ;
- ou répartir la TVA déductible sur les différentes annexes à sa déclaration retraçant l’activité de ses membres en tant que secteurs distincts en l’inscrivant à hauteur de 1 000 € sur le formulaire correspondant au membre 1, 500 € sur le formulaire correspondant au membre 2 et 500 € sur le formulaire correspondant au membre 3.
Dépenses engagées par un membre et utilisées de manière marginale par d’autres membres
Par simplification, lorsque des dépenses sont utilisées à plus de 90 % pour les besoins des opérations imposables du seul membre de l’assujetti unique qui les a engagées, l’assujetti unique peut considérer que ces dépenses sont intégralement utilisées à ces opérations imposables. Ainsi, les dépenses en cause ne sont pas considérées comme des dépenses communes à plusieurs membres de l’assujetti unique.
La doctrine administrative définitive précise que cette mesure de simplification s’applique également aux frais généraux. (BOI-TVA-AU-40§240)
Les commentaires définitifs restent muets en matière de taxe sur les salaires
On notera à regret que la doctrine définitive n’intègre aucun commentaire relatif à la taxe sur les salaires.
Comme indiqué dans notre précédent article, la constitution d’un groupe TVA a pour effet d’augmenter le rapport d’assujettissement des opérateurs qui étaient auparavant totalement assujettis redevables à la TVA, ce qui est susceptible de constituer un frein à l’option pour ce régime.
Par Lydia Picard