Loi de Finances 2022 : Mesure n°1 – Déductibilité fiscale de l’amortissement du fonds commercial
Rappel du dispositif existant :
Existence d’une déconnexion fiscalo-comptable sur l’amortissement du fonds commercial :
- Comptablement, le fonds commercial est présumé ne pas être amortissable dès lors qu’il dispose d’une durée d’utilisation illimitée généralement liée à l’activité de l’entreprise dans son ensemble (PCG Art.214-3). Ainsi, sa dépréciation ne peut être constatée que par voie de provision.
Toutefois, un amortissement doit être comptabilisé en cas d’existence d’une limite d’utilisation du fonds commercial. L’amortissement est alors réalisé sur la durée d’utilisation ou sur 10 ans si cette durée de ne peut être déterminée de manière fiable.
De plus, par mesure de simplification, les PME disposent d’une faculté d’amortissement de leurs fonds commerciaux sur 10 ans même en l’absence de limite prévisible à leur exploitation.
- Fiscalement, la déduction de l’amortissement constaté en comptabilité est systématiquement refusée par l’administration fiscale, qui considère que la dépréciation d’un fonds commercial ne peut être réalisée qu’à travers la constitution de provisions dans les conditions de l’article 39, 1-5° du CGI.
Toutefois, le Conseil d’Etat a laissé une porte entrouverte à la déduction des amortissements comptables sur les actifs incorporels répondant à deux conditions cumulatives : il doit être prévisible, lors de l’acquisition de l’actif incorporel que i) ses effets bénéfiques prendront fin à une date déterminée et ii) qu’à la clôture de l’exercice, cet actif soit dissociable des autres éléments représentatifs de la clientèle attachée au fonds.
Mesure adoptée :
- Création d’une exception temporaire pour les fonds commerciaux acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025, lesquels peuvent faire l’objet d’un amortissement fiscalement déductible. La faculté d’amortir le fonds commercial s’applique aux entreprises soumises à l’IS et aux entreprises relevant de l’IR suivant le régime réel dont les résultats relèvent des BIC dès lors qu’elles sont tenues au respect du Plan comptable général.
- Les amortissements comptabilisés au titre de fonds commerciaux acquis en dehors de cette période doivent continuer de faire l’objet d’une réintégration extra-comptable pour la détermination du résultat fiscal imposable.
Cette mesure, limitée dans le temps, intervient dans un contexte de soutien en faveur de la reprise de l’activité économique post épidémie Covid-19. Le gouvernement souhaite favoriser les acquisitions et reprises de fonds commerciaux en permettant la déduction fiscale des amortissements constatés en comptabilité.
Articulation entre amortissement et provision :
Afin d’éviter une double déduction fiscale dans les cas où une entreprise bénéficierait de la présente mesure temporaire de déductibilité fiscale de l’amortissement comptabilisé sur son fonds, et pour lequel elle constituerait, d’autre part, une provision pour dépréciation, l’article 23 de la loi prévoit une réintégration extracomptable de ladite provision au titre de chacun des exercices suivants celui au titre duquel elle a été déduite, pour un montant égal à la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice.
Loi de Finances 2022 : Mesure n°2 – Prorogation et aménagement du crédit d’impôt innovation
Dispositif existant :
- L’article 244 quater B-II-k du CGI prévoit un crédit d’impôt de 20 % (40 % dans les DOM) au titre de certaines dépenses d’innovation exposées par des entreprises qui répondent à la définition des micros, petites et moyennes entreprises au sens du droit de l’Union européenne.
- Les dépenses éligibles sont afférentes à la réalisation d‘opérations de conception de prototypes ou installations de pilotes d’un nouveau produit, à savoir un bien corporel ou incorporel qui répond aux deux conditions suivantes : i) il n’est pas encore mis sur le marché et ii) il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, d’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités
- Ce dispositif était borné dans le temps jusqu’au 31 décembre 2022.
Mesure adoptée :
- Le crédit d’impôt innovation est prorogé de deux ans et s’applique aux dépenses réalisées jusqu’au 31 décembre 2024.
- Le dispositif est modifié pour les dépenses exposées à partir du 1er janvier 2023 afin d’être mis en conformité avec la réglementation européenne relatives aux aides d’Etat :
- Suppression de la prise en compte du forfait de fonctionnement de l’assiette du crédit d’impôt innovation, actuellement fixé à 75 % des dotations aux amortissements et à 43 % des dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation de ces opérations.
- Majoration des taux de crédit d’impôt en contrepartie : le taux de droit commun du crédit d’impôt est porté de 20% à 30 % (et de 40% à 60 % en Outre-mer).
Loi de Finances 2022 : Mesure n°3 – Faculté d’opter à l’IS pour les indépendants
Rappel du dispositif existant :
- Les entrepreneurs qui exercent sous forme individuelle sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie d’imposition dont relève leur activité (BIC, BNC, BA) sans possibilité d’option pour l’impôt sur les sociétés.
- Le législateur vise à créer, dans le Code de commerce, un statut unique d’entrepreneur individuel reposant sur la séparation des patrimoines privé et professionnel (article 1er du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante).
Mesure adoptée :
- Cette mesure a pour objet de mettre en œuvre les dispositions fiscales et sociales afférentes à ce nouveau statut.
- A compter de l’entrée en vigueur de ce statut, les entrepreneurs individuels, à l’exception de ceux bénéficiant d’un régime dit « micro », pourront opter à l’IS et seront assimilés à une EURL ou à une EARL, dont ils seront l’associé unique.
- L’option pour l’IS entraîne de plein droit option pour l’assujettissement des bénéfices de l’entreprise individuelle à l’IS qui sera irrévocable au bout de cinq ans. La renonciation à l’option pour l’IS sera considérée comme un cas de cessation d’entreprise avec les conséquences fiscales attachées (article 221,2 du CGI).
- A compter de l’option à l’IS, les entrepreneurs devront également se soumettre aux obligations comptables nécessaires à l’établissement de l’IS.
- Les dividendes perçus par les entrepreneurs individuels ayant opté pour leur assimilation à une EURL ou EARL, entreront dans l’assiette des cotisations et contributions sociales pour leur fraction excédant 10 % du montant du bénéfice net imposable.
Loi de Finances 2022 : Mesure n°4 – Aménagement des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprises
La loi modifie les dispositifs d’exonération des plus-values professionnelles dégagées à l’occasion d’un départ à la retraite (article 151 septies A CGI) ou de la transmission d’une entreprise individuelle (article 238 quindecies).
Rappel des dispositifs existants :
- L’article 151 septies A du CGI prévoit que les exploitants soumis à l’IR peuvent bénéficier d’une exonération des plus-values de cession de leur entreprise individuelle ou des parts de la société dans laquelle ils exercent leur activité sous réserve notamment qu’ils fassent valoir leurs droits à la retraite dans les deux années qui suivent ou précèdent la cession.
- L’article 238 quindecies du CGI prévoit que sous certaines conditions liées à l’activité, la taille et l’absence de dépendance vis-à-vis du cessionnaire, et sur option, les plus-values réalisées lors de la transmission d’entreprises individuelles, de branches complètes d’activité dont la valeur ne dépasse pas 300.000 € ou 500.000 € peuvent être en tout en partie exonérées totalement ou partiellement d’IR ou d’IS.
- Le bénéfice de ces deux dispositifs d’exonération est exclu lors de la cession d’un fonds de commerce donné en location-gérance à un tiers
Mesure adoptée :
- Augmentation du plafond d’exonération prévu par l’article 238 quindecies du CGI
- Rehaussement des plafonds à hauteur de 500.000 € pour une exonération totale et de 1.000.000 € pour une exonération partielle.
- Actualisation et clarification des conditions d’appréciation des plafonds d’exonération : la valeur des actifs transmis serait déterminée non plus par référence à l’assiette de droits d’enregistrement mais par référence au prix stipulé des éléments transmis ou leur vénale, auxquels seront ajoutées les charges en capital et les indemnités stipulées au profit du cédant.
- Respect du règlement de minimis pour les transmissions effectuées par une société soumise à l’IS répondant à la définition des PME.
- Allongement du délai de cession prévu par l’article 151 septies A du CGI
- Lorsque le départ en retraite précède la cession, le délai séparant le départ à la retraite et la cession serait porté de deux à trois ans pour les dirigeants qui auront fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
- L’allongement de ce délai s’applique également i) au dispositif d’exonération des plus-values professionnelles en report d’imposition lorsque les titres sont cédés par l’associé d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés (Article 151 septies A, IV bis) et ii) au dispositif d’exonération de la quote-part de plus-value imposable entre les mains de l’associé d’une société de personnes qui cède son activité concomitamment à la dissolution de la société (Article 151 septies A, I ter du CGI).
- Extension du bénéficie des deux dispositifs d’exonération aux cessions de contrat de location-gérance au profit d’un tiers
- L’application de l’exonération est étendue aux cas où la cession du contrat de location-gérance intervient au profit d’un tiers sous réserve que cette cession porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité qui a fait l’objet du contrat de location-gérance.
Loi de Finances 2022 : Mesure n°5 – Aménagement de l’abattement fixe des dirigeants partant à la retraite
Rappel du dispositif existant :
- Article 150-0 D ter CGI : les plus-values réalisées par les dirigeants de PME qui cèdent leur société à l’occasion de leur départ en retraite sont, sous certaines conditions, réduites d’un abattement fixe de 500.000 €, quelles que soient les modalités d’imposition de ces gains (PFU ou option pour le barème progressif).
- Il est applicable aux cessions et rachats réalisées du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022.
- Le bénéfice de l’abattement est subordonné à la condition que le dirigeant fasse valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.
Mesure adoptée :
- Prorogation de l’abattement pour une durée de deux ans: l’abattement fixe sera applicable aux cessions et rachats réalisés jusqu’au 31 décembre 2024.
- Délai supplémentaire d’un an pour céder les titres: lorsque le départ précède la cession, le délai séparant le départ à la retraite et la cession serait porté de deux à trois ans pour les dirigeants faisant valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021.
Loi de Finances 2022 : Mesure n°6 – Renforcement du crédit d’impôt pour la formation du dirigeant
Rappel du dispositif existant :
- L’article 244 quater M du CGI instaure un crédit d’impôt en faveur des entreprises qui exposent des dépenses pour la formation de leurs dirigeants
- Pour rappel, ce crédit d’impôt est égal au produit du nombre d’heures passées par le chef d’entreprise en formation par le taux horaire du Smic en vigueur au 31 décembre de l’année au titre de laquelle le crédit d’impôt est calculé.
- Plafonné à quarante heures de formation par année civile, le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt dû au titre de l’année au cours de laquelle les heures de formation ont été suivies et l’excédent éventuel est restitué à l’entreprise.
- Ce crédit d’impôt s’applique aux heures de formation effectuées jusqu’au 31 décembre 2022.
Mesure adoptée :
- Dans l’objectif de faciliter l’accès des travailleurs indépendants à la formation, l’article 19 de la loi double le montant du crédit d’impôt en faveur de la formation des dirigeants pour les micro-entreprises.
- Seront ainsi éligibles au doublement du montant du crédit d’impôt pour la formation du dirigeant, les entreprises qui :
- Satisfont à la définition de micro-entreprises au sens de l’annexe I au Règlement UE n° 651/2014 du 17 juin 2014 i.e. les entreprises qui emploient moins de dix salariés et réalisent un chiffre d’affaires annuel ou total du bilan annuel n’excédant pas 2 millions d’euros.
- Respectent la réglementation européenne relative aux aides de minimis i.e. le montant total des allégements fiscaux, appréciés en termes d’avantages en impôts, ne doit pas excéder 200.000€ sur une période glissante de trois exercices fiscaux.
- La mesure est applicable aux heures de formation effectuées à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2022.
Loi de Finances 2022 : Mesure n°7 – Aménagement de la fiscalité des actifs numériques
Rappel du dispositif existant :
- Distinction des revenus tirés d’une activité professionnelle / non-professionnelle
- Article 150 VH bis CGI & Article 200 C CGI : les plus-values réalisées à titre occasionnel par les personnes physiques lors d’une cession à titre onéreux d’actifs numériques, et notamment de cryptomonnaies (Bitcoins, Ethereum, etc.), sont passibles du PFU au taux de 30 %.
- Les gains provenant de la cession à titre habituel d’actifs numériques en vue de leur revente dans des conditions caractérisant l’exercice d’une profession commerciale relèvent du régime des BIC (article 34 CGI).
Mesure adoptée :
- Option pour le barème de l’IR pour les gains réalisés dans un cadre non professionnel
- Par dérogation à la règle d’imposition au PFU de 30 % des gains de plus-values de cessions d’actifs numériques réalisées par les particuliers, le contribuable aura la possibilité d’opter pour l’imposition au barème progressif de l’IR
- Cette option devra être exercée lors du dépôt de la déclaration n° 2042
- Mesure applicable aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023
- Imposition dans la catégorie des BNC des bénéfices issus d’opérations sur actifs numériques réalisées à titre professionnel
- Sont imposés dans la catégorie des BNC les produits d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectués dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations. L’article 70 de la loi a pour objectif d’aligner les dispositions relatives aux opérations sur actifs numériques sur celles applicables aux opérations de bourse.
- Mesure applicable aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023
Loi de Finances 2022 : Mesure n°8 – Assouplissement des modalités d’option à la TVA des opérations bancaires et financières
Rappel du dispositif existant :
- Les opérations bancaires et financières exonérées peuvent être soumises à la TVA sur option (Art. 260 B du CGI transposant l’article 137 de la Directive TVA).
- Cette option est globale et s’applique à l’ensemble des opérations qui entrent dans son champ d’application.
Mesure adoptée :
- L’option devient sélective : le caractère global de l’option est supprimé et l’assujetti peut opter opération par opération plutôt que globalement pour l’ensemble de ses opérations.
- Cette mesure entrerait en vigueur au 1er janvier 2022
- Cette mesure vise à mettre en conformité les dispositions de l’article 260 B avec le droit de l’UE. Le Conseil d’Etat a en effet récemment jugé «que les dispositions de l’article 137 de la Directive TVA ne confèrent pas aux Etats membres la faculté de subordonner à des conditions ou de restreindre de quelque manière que ce soit les exonérations prévues par l’article 135 mais leur réserve simplement la faculté d’ouvrir, dans une mesure plus ou moins large, aux bénéficiaires de ces exonérations, la possibilité d’opter eux-mêmes pour la taxation, s’ils estiment que tel est leur intérêt » (CE 9-9-2020 n° 439143). Dans cette décision, le Conseil d’Etat a ouvert la possibilité, en matière d’option pour la taxation des locaux nus à usage professionnel, d’opter pour l’assujettissement à la taxe seulement à raison de certains locaux.
- Des précisions sont toutefois attendues : sort des options en cours au 1er janvier 2022, exercice de l’option par catégorie d’opérations, exercice de l’option client par client ou pour chaque opération réalisée par un même client …
Loi de Finances 2022 : Mesure n°9 – Exigibilité de la TVA lors de l’encaissement d’acomptes portant sur des livraisons de biens
Rappel du dispositif existant :
- Le fait générateur et l’exigibilité de la TVA afférente à une livraison de biens n’interviennent qu’au moment de la réalisation de l’opération (art. 269, 1-a et 2-a du CGI). Le versement d’acomptes n’entraine pas l’exigibilité de la TVA.
- Article 65 de la Directive 2006/112/CE : en cas de versement d’acomptes avant que la livraison de biens (ou la prestation de service) ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant de ce dernier.
- Cour administrative d’appel de Nantes, 28 mai 2021 n°19NT03579 Technitoit : il résulte de l’interprétation de l’article 65 de la directive 2006/112/CE retenue par CJUE (Affaires Firin OOD du 13 mars 2014 – aff. C-107/13 et Kollross et Wirtl du 31 mai 2018 – aff. C-660/16 et C 661/16) que, si le fait générateur de la TVA et son exigibilité interviennent en principe au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée, la taxe devient toutefois exigible dès l’encaissement, à concurrence du montant encaissé, lorsque des acomptes sont versés avant que la livraison de bien ne soit effectuée. Dans ce cas, deux conditions doivent être réunies : i) tous les éléments pertinents du fait générateur doivent être connus (caractéristiques des biens et prix) et ii) au moment du versement de l’acompte, la réalisation de la livraison doit être certaine (la circonstance que la date de livraison ne soit pas connue n’est pas de nature à remettre en cause le caractère certain de la livraison)
Mesure adoptée :
- Cette mesure a pour objet de mettre les dispositions de l’article 269, 2-a du CGI en conformité avec le droit de l’Union européenne et tire les conséquences de l’arrêt susvisé de la juridiction d’appel de Nantes qui a jugé que les dispositions de l’article 269, 2-A précité sont incompatibles avec l’article 64 de la Directive TVA.
- Par principe, pour les livraisons de biens réalisées par des assujetties ou des intermédiaires opaques, la TVA est exigible lors de la réalisation du fait générateur, à savoir au moment où la livraison ou l’opération dans laquelle s’entremet l’intermédiaire est effectuée.
- Par exception, en cas de versement préalable d’un acompte, la TVA deviendra exigible au moment de l’encaissement de l’acompte à concurrence du montant encaissé.
- Dispositions applicables aux acomptes encaissés à partir du 1er janvier 2023
Loi de Finances 2022 : Mesure n°10 – Retenue à la source – Mise en conformité avec le droit de l’Union
Rappel du dispositif existant :
Revenus non salariaux
- L’article 182 B du CGI soumet à une retenue à la source certains produits non salariaux versés à des non-résidents. Le taux de la retenue est en principe fixé à 25% pour 2022.
- Ces produits sont imposables en France lorsqu’ils sont rattachables à une installation professionnelle permanente en France ou lorsque le débiteur exerce en France une activité indépendante.
- La base imposable est constituée par le montant brut des sommes payées : les charges exposées par le bénéficiaire des versements à raison de l’activité non commerciale déployée en France ou des prestations qui y sont fournies ou utilisées ne peuvent pas être déduites des sommes versées.
- Le fait générateur de la retenue à la source est le versement des sommes.
Revenus distribués
- L’article 119 bis du CGI soumet à une retenue à la source les revenus distribués par les sociétés françaises relevant du régime fiscal des sociétés de capitaux aux personnes physiques ou morales non-résidentes (sous réserve de certaines exonérations).
- Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, la retenue à la source peut faire l’objet d’une restitution temporaire pour les sociétés non-résidentes déficitaires.
Rappel du Contexte :
- Selon le Conseil d’Etat, l’application d’une retenue à la source sur une assiette brute constitue une entrave au principe de libre circulation des capitaux et de libre prestation de services dès lors que, dans la même situation, une société française serait imposable sur un bénéfice établi après déduction des charges supportées
- A propos de sommes versées en rémunération d’une activité non commerciale déployée en France, lorsque le bénéficiaire est établi dans un État membre de l’Union Européenne : au regard du principe de libre circulation des prestations à l’intérieur de l’Union, le débiteur de la rémunération peut déduire de la base imposable les frais professionnels que le bénéficiaire lui a communiqués et qui sont directement liés à l’activité déployée en France (CE 22-11-2019 n°423698).
- La déduction des frais professionnels supportés par le bénéficiaire des rémunérations de ces prestations de service peut être opérée par la société débitrice de la retenue à la source sur le fondement des stipulations des articles 56 et 57 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, dès lors que ce bénéficiaire est établi dans l’Union Européenne (CE 8e-3e ch. 9-9-2020 n° 434364, Sté Damolin Etrechy).
- L’impossibilité pour une société d’assurance-vie britannique percevant des dividendes de source française de déduire certaines charges de l’assiette de la retenue à la source de l’article 119 bis, 2 du CGI est contraire au principe de libre circulation des capitaux (CE 11-05-2021 n°438135).
Mesures adoptées :
Première mesure adoptée : abattement forfaitaire de 10% pour les retenues à la source sur les revenus non salariaux
- L’article 24 de la loi prévoit que les personnes morales et organismes non-résidents qui perçoivent des revenus de source française soumis à la retenue à la source prévue à l’article 182 B du CGI bénéficient d’un abattement forfaitaire de 10 % des versements, sans plafonnement, sous réserve de respecter les conditions suivantes :
- Les résultats de la personne morale ou de l’organisme considéré ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu entre les mains d’un associé.
- Le siège ou l’établissement stable dans le résultat duquel les revenus sont inclus est situé un Etat membre de l’UE ou de l’EEE qui n’est pas un ETNC et qui a conclu une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
- Cet abattement sera appliqué lors du prélèvement à la source, par le débiteur des revenus.
- Dans l’hypothèse où le montant des charges réellement supportées pour l’acquisition ou la conservation des revenus serait supérieur au moment de l’abattement forfaitaire, les entités non-résidentes pourraient bénéficier d’une restitution égale à la différence entre la retenue à la source forfaitaire opérée et la retenue à la source calculée sur une base nette de charges réelles.
- Cette mesure est applicable aux retenues à la source dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2022
Deuxième mesure adoptée : Restitution partielle liée aux charges réelles
- Principe : Possibilité de restitution a posteriori de la retenue à la source appliquée à hauteur de la différence entre l’imposition prélevée et l’imposition calculée sur une assiette nette des charges supportées pour l’acquisition et la conservation du revenu
- Les sociétés étrangères bénéficiaires peuvent obtenir la restitution des retenues prélevées :
- Sur certains revenus des capitaux mobiliers et sur les revenus mobiliers (art. 119 bis, 2 du CGI) ;
- Sur les rémunérations des prestations artistiques (art. 182 A bis du CGI) ;
- Sur certains revenus non salariaux (art. 182 B du CGI).
- Conditions : la restitution est opérée sous réserve des conditions suivantes :
- Seules les personnes morales et organismes dont les résultats ne sont pas imposés à l’IR sont concernés.
- Les entités ne doivent pas être en mesure d’imputer la retenue à la source dans leur Etat de résidence.
- La personne morale ou l’organisme doit avoir son siège ou son établissement stable dans un autre Etat membre de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas un ETNC.
- Les charges supportées pour l’acquisition et la conservation du revenu soumis à la retenue à la source doivent satisfaire aux mêmes conditions de déductibilité requises pour les charges supportées par une société française.
- Dans le cas particulier d’une retenue à la source prélevée dans le cadre de l’article 119 bis, 2 du CGI : la société étrangère peut avoir son siège ou son établissement stable dans un Etat tiers à l’UE, sous réserve que i) l’Etat de résidence ne constitue pas un ETNC et que ii) que la société étrangère ne contrôle pas ou ne puisse pas participer de manière effective à la gestion de sa filiale française
- L’obtention de la restitution est subordonnée à une demande formulée par la société ou l’organisme étranger auprès du service des impôts des non-résidents. La demande de restitution doit être déposée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l’impôt.
- Ce dispositif s’applique aux retenues à la source prélevées sur les revenus versés à compter du 1er janvier 2022
Troisième mesure adoptée : Aménagement du régime de restitution applicable aux sociétés étrangères déficitaires (art. 235 quater du CGI)
Actuellement :
- En application de la jurisprudence « Sofina » (CJUE 22-11-2018 aff. 575/17 CE 27-2-2019 n°398662), la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française perçus par une société non-résidente qui se trouve, au regard de la législation fiscale de son Etat de résidence, en situation déficitaire doit être restituée à cette société.
- L’article 235 quater du CGI permet aux sociétés étrangères déficitaires d’obtenir la restitution temporaire de certaines retenues à la source ; l’imposition établie est alors placée en report d’imposition sous réserve du respect de certaines conditions.
- Le report d’imposition prend fin lorsque la société devient bénéficiaire, en cas de manquement aux obligations déclaratives qui lui incombent, ou lorsque la société fait l’objet d’une dissolution sans liquidation (sous réserve du cas où les déficits sont transférés à la société absorbante ou bénéficiaire dans le cadre de l’opération).
- Il incombe à la société étrangère sollicitant la restitution de la retenue à la source sur les dividendes de source française qui lui ont été versés de justifier, pour chaque exercice en litige, du caractère déficitaire de ses résultats en tenant compte de ces dividendes (CE 5-11-2021 n° 433212).
- La demande de restitution doit être déposée dans un délai de trois mois suivant la clôture de l’exercice au cours duquel les revenus ont été payés (art. 235 quater III du CGI)
- La société dispose également d’un délai de trois mois suivant la clôture de l’exercice pour déposer l’état de suivi du résultat déficitaire
Mesure adoptée :
- Le délai pour déposer une demande de restitution expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l’impôt.
- Le délai de dépôt de l’état de suivi annuel du résultat déficitaire de la société est fixé à six mois après la clôture de l’exercice.
- Si les reports d’imposition portent sur des exercices distincts, la déchéance du report d’imposition s’applique en priorité aux impositions les plus anciennes.
- Ce dispositif s’applique aux retenues à la source prélevées sur les revenus versés à compter du 1er janvier 2022.