Conseil de surveillance de SAS : attention aux éventuelles cotisations sociales

Retrouvez notre analyse de l’arrêt rendu par la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 1er février 2024.

Cass. Civ. 2e, 01 février 2024, n°21-25.175 (à consulter ici)

 

En SAS, la direction de la société est librement aménagée et organisée au sein des statuts comme le précise l’article L. 227-5 du Code de commerce : « Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée ».

Une SAS doit toutefois être obligatoirement dirigée par un et un seul Président en vertu de l’article L. 227-6 du Code de commerce, étant entendu que ledit Président peut parfaitement être une personne morale (Art. L. 227-7 du Code de commerce).

Au-delà du Président, les associés sont donc libres d’organiser comme ils l’entendent la direction de la SAS. Des organes, notamment collégiaux, peuvent ainsi être prévus par les statuts.

Un directeur général (DG) et des directeurs généraux délégués (DGD) peuvent également être désignés. Il convient alors de déterminer l’étendue de leurs pouvoirs dans les statuts tout comme les modalités à suivre pour les désigner et les révoquer.

Retrouvez notamment ici notre article sur la représentation d’une SAS par son directeur général à l’égard des tiers.

 

Les faits

 

Dans l’arrêt analysé, une SA dirigée par un conseil d’administration et un directeur général (une seule et même personne physique assurant les fonctions de PDG) fut transformée en SAS.

Les statuts de cette nouvelle forme sociale mirent en place un nouveau système de gouvernance.

Bien entendu, un Président fut désigné mais les statuts instaurèrent également un Conseil de surveillance et un directoire s’inspirant de l’une des modalités de direction prévue législativement dans les SA.

Cette organisation de la gouvernance est parfaitement licite en SAS sous réserve de bien organiser dans les statuts les pouvoirs des organes de direction créés, les modalités de révocation (Voir ici notre article : Révocation des dirigeants de SAS : faut-il un juste motif de révocation lorsque les statuts ne prévoient rien?) comme de désignation de leurs membres ou encore les règles de réunion et de prise de décision de ces derniers.

Le problème soulevé devant la Haute juridiction ne concerne donc pas la possibilité de mettre en place un conseil de surveillance au sein d’une SAS. En l’espèce, c’est un litige lié aux cotisations sociales auquel doit répondre la Cour de cassation.

Un redressement, confirmé par la Cour d’appel de Paris le 08 octobre 2021 (n°17/12879), fut en effet adressé par l’URSSAF à la SAS pour avoir omis d’intégrer à l’assiette des cotisations sociales les rémunérations versées au président et vice-président du conseil de surveillance.

L’arrêt permet de revenir utilement sur l’affiliation des dirigeants de SAS au régime général de la sécurité sociale.

En SAS, la question de l’affiliation au régime général de la sécurité sociale est tranchée par l’article L. 311-3 23° du Code de la Sécurité sociale.

Le texte est clair en imposant l’affiliation obligatoire des « présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées ».

Il faut toutefois s’interroger sur l’assimilation des membres d’un conseil de surveillance à des présidents ou dirigeants de SAS au sens de l’article précité du Code de la Sécurité sociale.

Le principe appliqué au conseil de surveillance d’une SAS est limpide.

Comme le souligne la Cour de cassation : « ayant pour seule mission de contrôler les organes de direction de la société sans en assumer la gestion, les membres du conseil de surveillance ne sont en principe pas affiliés aux assurances sociales du régime général ».

Par définition, n’exerçant pas une réelle fonction de direction effective, un membre du conseil de surveillance d’une SAS ne relève donc pas du régime général de la Sécurité sociale.

Par exception, les membres d’un conseil de surveillance de SAS peuvent cependant voir leurs rémunérations être réintégrées à l’assiette des cotisations sociales s’il est établi que les membres dudit conseil exercent en réalité une fonction de direction. Ils sont alors requalifiés en dirigeants de SAS au sens de l’article L. 311-3 CSS.

Il faut donc veiller à limiter scrupuleusement, dans les statuts comme dans les faits, les pouvoirs des membres d’un conseil de surveillance de SAS afin de les cantonner à un rôle exclusif de surveillance/contrôle.

Autrement dit et comme le relève la Cour de cassation : « la mission du conseil de surveillance est en principe limitée à l’exercice d’un contrôle permanent de la gestion du directoire ». Pour échapper aux cotisations sociales, l’objectif est donc de ne pas accorder des pouvoirs effectifs de direction aux membres du conseil et d’ainsi les empêcher d’effectuer des actes positifs de gestion comme de direction.

En ce sens, ce n’est donc pas le nom donné à l’organe de direction qui permet d’établir l’assujettissement ou non des rémunérations versées au paiement de cotisations sociales mais bien les pouvoirs statutairement accordés aux dirigeants.

La caractérisation de l’exercice réelle d’une fonction de direction est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond qui se fondent sur un faisceau d’indices.

En l’espèce, La Cour de cassation reprend plusieurs éléments mis en évidence par la Cour d’appel pour considérer qu’en dépit de l’existence d’un directoire, le Président et le Vice-Président du conseil de surveillance avaient accompli, en toute indépendance, des actes positifs de gestion et de direction de la société. En conséquence, ils devaient bien être affiliés au régime général de la sécurité sociale.

 

Les éléments de faits utilisés pour procéder à la requalification :

 

Les statuts mettaient en place une autorisation préalable donnée par le conseil de surveillance au directoire afin d’effectuer certains actes. Cette clause statutaire limitative des pouvoirs de direction est assimilée à une limite, à tout moment, de l’exercice du pouvoir de direction. En clair, il s’agirait d’une véritable mission de direction exercée par le conseil de surveillance à travers une immixtion dans la gestion et non d’un simple contrôle du directoire. Faut-il en déduire que la seule présence d’une telle clause suffit à requalifier en dirigeant au sens de l’article L. 311-3 23° CSS ? Nous ne le pensons pas car d’autres éléments sont mentionnés dans la décision. La nature et la valeur des actes soumis à autorisation préalable, bien que ce ne soit pas précisé dans l’arrêt, devraient être des éléments permettant de requalifier ou non en dirigeant au sens du Code de la Sécurité sociale.

Le président du conseil était le PDG de la SA avant sa transformation. Autrement dit, il assumait alors des fonctions véritables de gestion qu’il aurait pu implicitement poursuivre dans la SAS à travers le conseil de surveillance. Il est d’ailleurs mis en avant que les deux membres du directoire sont issus de sa famille comme pour mieux souligner son influence en matière de gestion.

Ce même président du conseil était, avec son épouse, actionnaire majoritaire de la SAS. Cette précision pourrait laisser entendre l’existence d’un pouvoir décisionnaire indirect rapprochant encore une fois d’une activité de gestion effective d’autant plus face à la composition « familiale » du directoire.

Enfin, la rémunération du président du conseil de surveillance était « nettement supérieure » à celle des membres du directoire. Cela permet d’imaginer que les tâches réalisées pour justifier un tel écart relèvent bien de la gestion de la société et non d’un simple contrôle dans le cadre des missions du conseil de surveillance.

 

Par Quentin Némoz-Rajot