Régularisation du capital social : décret fixant les seuils mentionnés aux articles L. 223-42 et L. 225-248 du code de commerce

21 novembre 2023

Publication du décret rendant effectives les nouvelles règles de régularisation lorsque les capitaux propres d’une société sont devenus inférieurs à la moitié du capital social.

 

Il y a quelques mois, nous vous présentions (voir l’article ici) les modifications apportées  par la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (dite loi DDADUE, à consulter ici). Nous avions plus précisément évoqué l’article 14 du texte qui vise une hypothèse particulière : lorsque, hors procédure collective, les capitaux propres d’une société commerciale (SARL ou société par actions) deviennent inférieurs à la moitié du capital social.

Les modifications étaient entrées en vigueur le 11 mars 2023 mais nous ne connaissions pas encore les seuils permettant de maîtriser pleinement les incidences de la réforme. Le décret attendu a finalement été publié le 26 juillet : Décret n° 2023-657 du 25 juillet 2023 fixant les seuils prévus aux articles L. 223-42 et L. 225-248 du code de commerce (à consulter ici).

Les conséquences de la modification des articles L. 223-42 et L. 225-248 du Code de commerce sont désormais plus claires et surtout totalement effectives.

Pour rappel, ces deux textes traitent de l’hypothèse suivante au sein des SARL et dans les sociétés par actions (SA, SAS, SCA) : lorsque du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés doivent décider, dans les quatre mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, s’il y a lieu à dissolution anticipée de la société. S’ils décident de ne pas procéder à la dissolution de la société, ils doivent alors régulariser la situation au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue.

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme, pour régulariser la situation, la société devait réduire son capital « d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’avaient pu être imputées sur les réserves, si, dans ce délai, les capitaux propres n’avaient pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social ». Une interprétation au sens strict, laissait croire que la réduction du capital avec apurement de la totalité des pertes n’était prévue que si la société n’avait pas reconstitué ses capitaux propres à l’expiration du délai légal. La faculté de reconstituer les capitaux propres par voie de réduction du capital ne portant que sur la somme nécessaire pour que le montant des pertes n’excède pas la moitié du capital était plus incertaine. Les textes ont dès lors été réécrits pour reconnaître plus lisiblement cette possibilité.

Ainsi désormais, les deux articles précités du Code de commerce prévoient plus clairement une alternative : reconstituer les capitaux propres ou réduire le montant du capital social afin que les capitaux propres soient au moins égaux à la moitié du capital social.

L’alinéa 2 de l’article L. 225-248 précité a donc été modifié comme suit « si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social ou, sous réserve de l’article L. 224-2, de réduire son capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant ».

Lorsque la continuité de la société a été décidée et que la situation n’a pas été régularisée dans le délai déterminé par les deux textes (clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue), la loi offre dorénavant une nouvelle porte de sortie afin d’écarter le spectre d’une dissolution judiciaire à la demande de tout intéressé. C’est un nouveau délai de deux exercices qui est offert aux associés pour régulariser la situation et assurer la pérennité de la société. L’innovation réside essentiellement dans la possibilité de réduire le capital social jusqu’à un certain montant sans pour autant que les capitaux propres ne redeviennent égaux ou supérieurs à la moitié du capital social.

Un alinéa (le 4ème) a donc été ajouté aux deux articles précités du Code de commerce : « Si, avant l’échéance mentionnée au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant cette échéance, de réduire son capital social, sous réserve de l’article L. 224-2, pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil ».

C’est ici que le décret du 25 juillet présente un intérêt évident puisqu’il détermine les seuils de capital social au-delà desquels, en fonction de la taille de leur bilan, les sociétés sont tenues de réduire leur capital social pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ces seuils lorsqu’elles n’ont pas reconstitué leurs capitaux propres dans le délai légal initial de 2 ans.

 

  • Dans les SARL, l’article R. 223-37 du Code de commerce fixe le seuil à 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice.
  • Dans les SAS, l’article R. 225-166-1 du Code de commerce fixe le seuil à 1 % du total du bilan de cette société constaté lors de la dernière clôture d’exercice.
  • Dans les SA et les SCA, ce même article R. 225-166-1 du Code de commerce fixe le seuil à la valeur la plus élevée entre 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice et 37.000 euros (à savoir le montant de capital social minimal associé à la forme sociale en question).

 

C’est donc une nouvelle étape, cette fois effective, pour inciter les associés à reconstituer les capitaux propres à travers l’octroi d’un délai supplémentaire de deux nouveaux exercices et sans que les capitaux propres ne doivent obligatoirement atteindre une valeur au moins égale à la moitié du capital social.

Aux termes de l’étude d’impact, « cette obligation de réduction de capital demeurerait incitative pour les actionnaires, dont le capital social serait réduit au minimum. Elle fournit également un signal et une information importante pour les tiers et pour les créanciers, qui auront la connaissance d’un capital social très réduit ».

 

Par Quentin Némoz-Rajot